Des textes médiévaux

Hildegarde de Bingen (1098 -1179)

Une mère abbesse bénédictine dans ces terres devenues l’Allemagne d’aujourd’hui. Femme de caractère aux talents nombreux, elle aussi bien sensible à la médecine par les plantes qu’aux bienfaits de la musique sacrée. Elle a fait, à plusieurs reprises, des expériences de visions mystiques dont elle a rendu compte et qui ont été mises par écrit. Des récits qui ont profondément marqués ses contemporains. Et que l’on redécouvre aujourd’hui.

Elle a été proclamée « Docteur de l’Eglise » le 7 octobre 2012

Dans la Nature, comme dans mes Visions, je percevais le frisson sacré avec lequel je dépassais cette limite où ma liberté devient nécessité.
Il m’était plus facile de m’imaginer cet état chez les animaux : la buse se pose sur la branche, elle y stationne en silence, puis quand c’est le moment elle émet un cri rauque, ferme les yeux et s’abandonne sans soutien. De la même façon le lézard immobile, qui ressemble presque à une feuille, lorsque se déclenche un signal bien précis – presque des cymbales de branches – bondit à la verticale sur un mur. Dans chaque réalité de la nature est présent ce ravissement, qui est en même temps l’obéissance humble à une limite qui lui est interne et –au son sacré de cette cymbale – une sortie de soi sans retenue.
Dans mes pérégrinations solitaires je voyais ce sens des limites – la fin du bois, la source sacrée, ou alors un voile au-delà duquel se trouvait un mystère que je ne pouvais décrire. Alors je m’arrêtais et j’obéissais, en méditant les yeux fermés.

 Page 163
Hildegarde de Bingen, la puissance et la grâce de Lucia Tancredi –  Ed. Nouvelle Cité 2012

[Dieu] nous a formé avec les mêmes éléments que le monde : le feu, l’air, l’eau et la terre. Ces éléments sont tellement imbriqués les uns et les autres qu’on ne peut les séparer, et tout comme ils tiennent solidement uni le firmament, ils complètent en même temps l’homme qui est tout en rotondité. Il y a dans l’homme quelque chose du soleil et des étoiles quand ils réchauffent le ciel blanc d’argile ; il y a en lui la fête de la pluie et la puissance des ailes du vent et la viridité de la terre. Il n’existe pas de créature qui ne soit rien ou qui soit faite d’une seule de ces qualités, il n’existe pas de créature qui ne soit pas parfaite, malgré la première évidence. Nous pouvons percevoir la trace minérale de l’œil, et pourtant il est aussi une émulsion liquide, un albugo lumineux, un éventail de cils.

Page 171
Hildegarde de Bingen, la puissance et la grâce de Lucia Tancredi –  Ed. Nouvelle Cité 2012

L’Univers a besoin de se dire et seul l’homme peut dévoiler le secret qu’il contient. Les arbres et les fleurs chantent la beauté de la viridité, mais si l’homme ne la révélait pas, cette beauté se perdrait. Et l’Univers est tellement empli de beauté ! Si seulement nous avions la reconnaissance de le célébrer et d’entrer en lui pour en faire une seule chair, et non pas un relief qu’on regarde à distance ! Parce que la Beauté qui est Vérité n’a ni coupe ni pointe et elle accorde partout et à pleines mains sa consolation. Si au lieu d’une épée, d’un cilice, d’une pénitence à genoux, nous offrions un peu de beauté…

Page 205
Hildegarde de Bingen, la puissance et la grâce de Lucia Tancredi –  Ed. Nouvelle Cité 2012

 Notes : Rotondité : état de ce qui est rond / Viridité : pour Hildegarde, l’essence même de la vie comme une écume, une métamorphose et une création intarissable. / Albugo : tâche blanche qui se forme sur la cornée.

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