Extrait d’un entretien du Mgr André Vingt-Trois accordé au Journal du Dimanche du 20 décembre dernier…
Pendant longtemps on a reproché à l’Eglise de brandir les feux de l’enfer pour obliger les gens à vivre autrement. Aujourd’hui , la médiatisation unilatérale du catastrophisme est censée nous inciter à vivre autrement. Je suis sceptique sur ce chantage à la mort par lequel on essaye de répandre la bonne parole. C’est une bonne chose que les Etats se concertent pour affronter ensemble les défis écologiques et mettre en place des moyens de régulation. Mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne décision de brider le développement de certains pays émergents, au nom de l’écologie, pendant que d’autres, développés, continueraient de polluer à tout-va. Il ne s’agit pas seulement de toucher au portefeuille par des taxes : il faut avoir le courage d’appeler à changer une manière d’être et de vivre.
Quelques remarques :
-l’argument du « chantage à la mort » pose à nouveau la question de « l’heuristique de la peur ». Faire peur aide-t-il à prendre conscience, à changer ? Il me semble que la réponse n’est pas aussi simple qu’il semble. Regarder, en conscience, des évolutions dramatiques en face, tenter de les nommer pour permettre aujourd’hui d’aider les générations à venir à pouvoir assumer leur part d’existence, ne me semble pas relever d’une logique de la peur morbide et stérile. Sans doute faut-il rester lucide et savoir que, là aussi, des dérives sont possibles. Mais ayons aussi la simplicité de reconnaître qu’entre le catastrophisme et le déni, une autre voie, celle de la lucidité est possible.
– Comment réguler… sans réguler ? Mgr André Vingt-Trois pointe la difficulté actuelle pour les pays émergents à pouvoir poursuivre légitimement leur développement sans être freiné par l’égoïsme des pays développés… et pollueurs. Mais pour autant, renoncer à une régulation qui appellerait les pays en développement d’éviter la gabegie des pays dits « développés » me semble particulièrement irresponsable.
– La pollution « à tout-va » est un fait actuel qui ne s’arrête aux frontières d’aucun pays. S’il faut avoir le « courage d’appeler à changer », cela ne se joue t-il pas aussi dans le modèle de développement lui-même que nous menons ou que nous imposons à d’autres ? En attendant que l’écologisme ambiant impose son modèle, il serait bon sans doute aussi de dénoncer dès à présent le libéralisme ravageur auquel sont confrontés aujourd’hui (!!) ces pays que tous appellent pourtant de leurs voeux (?) au développement. Il serait bon que ce que disent les écologistes là dessus soit aussi relevé et pas simplement balayé d’un revers de manche…
– quant à changer notre propre manière d’être et de vivre, quand c’est qu’on commence Monseigneur ? Il y a quelques décennies déjà, lors d’une rencontre européenne à Paris, F. Roger de Taizé avait appelé dans sa lettre les communautés chrétiennes à oeuvrer concrètement pour ce changement de mode de vie, en assumant une démarche de simplification et de sobriété…
DL