Les questions écologiques ont évidemment des causes et des conséquences dans le domaine du développement des peuples.
L’association CCFD-Terre solidaire, première association française de développement, vient de publier un « Pacte pour une Terre solidaire » rassemblant 16 propositions concrètes pour construire un monde plus juste. Plusieurs d’entre elles concernent directement les questions écologiques. Plus que d’autres, ces associations caritatives ou travaillant pour le développement, sont sans doute les meilleures passerelles pour la rencontre entre les thématiques de la solidarité et celles de l’écologie. Rencontre essentielle pour l’avenir des questions écologiques dans le champ chrétien…
Guy Aurenche, le président de l’association présente ce travail.
Ces propositions émanent du travail réalisé aux côtés de nos partenaires, des organisations locales issues de 60 pays, dont nous soutenons 450 projets de développement. Et ces partenaires nous le disent : au-delà de l’aide reçue, ce sont d’abord nos choix de politiques commerciales, financières, économiques, migratoires qui ont le plus d’impact sur leurs populations.
Un monde de crises : crises financière, économique, sociale, environnementale, énergétique, alimentaire… crise, en définitive, de tout un système. Cette crise fait craindre un repli de chaque État sur ses propres problèmes, alors que la réponse est, au contraire, dans la solidarité. Beaucoup de citoyens ont l’impression que les dirigeants politiques ont perdu le pouvoir face aux acteurs financiers, et qu’eux-mêmes n’ont plus prise sur rien. Face à ce fatalisme ambiant, nous voulons affirmer le pouvoir citoyen. Alors oui, nous osons appeler à un « Pacte pour une Terre solidaire » et à la mise en oeuvre de ces 16 propositions, par le/la président(e) et l’Assemblée nationale qui seront élus. Elles ont d’ores et déjà été envoyées aux candidats aux élections, présidentielle et législatives. Nous vous invitons, à votre tour, à les découvrir, à les partager, à les diffuser autour de vous et à les envoyer aux candidats de votre choix. Rejoignez le « Pacte pour une Terre solidaire » ! Agissons ensemble pour un monde démocratique, équitable et durable ! Guy Aurenche,
Les quatre parties du Pacte :
- Finissons-en avec les paradis fiscaux
- Responsabilisons les multinationales
- Luttons contre la spéculation sur les marchés agricoles .
- Respectons les droits des migrants
Face à l’ampleur de la crise actuelle, les responsables politiques rivalisent de discours, rappelant l’importance d’encadrer les activités des entreprises multinationales et des acteurs financiers. Prenons-les au mot ! La raison d’être d’une entreprise n’est pas seulement de générer des profits et de produire des biens et services. Ainsi, les petites et moyennes entreprises sont également créatrices d’emplois et génératrices de revenus fiscaux et sont strictement encadrées et responsables juridiquement en cas de préjudices liés à leurs activités. Il n’en va pas toujours de même pour les multinationales dans le monde, dont le nombre a été multiplié par dix en trente ans. L’absence de règles internationales pour encadrer leur activité − et surtout celles de leurs fi liales − autorise une course éperdue aux profits à court terme, qui ne s’embarrasse ni d’éthique, ni d’objectifs de développement économique local, en France comme ailleurs. Droit du travail bafoué, exploitation du travail des enfants, accaparement des ressources naturelles, pollutions irréversibles, évasion fiscale massive grâce aux paradis fiscaux… les filiales de certaines de ces entreprises commettent ou laissent commettre des abus inacceptables, aux conséquences graves pour les sociétés qui en sont victimes.
Ainsi, l’essence que consomment nos voitures vient peut-être du delta du Niger, pollué par des fuites massives de pétrole provoquées, entre autres, par les activités de Shell. 80 % des jouets que nous achetons à nos enfants sont produits en Chine, dans des conditions déplorables, sans parler de nos vêtements, fabriqués dans des ateliers qui imposent parfois des cadences proches de l’esclavage. La course au moins-disant social et environnemental est destructrice pour notre planète, pour les populations exploitées dans les pays du Sud, mais aussi pour les entreprises et les salariés des entreprises françaises qui respectent les règles du jeu et ne peuvent s’aligner sur des coûts de fabrication aussi bas. Il s’agit là d’une concurrence déloyale qui nuit directement à la compétitivité des petites et moyennes entreprises et des tissus économiques locaux auxquels ces dernières contribuent. Pourtant, les gouvernements des pays du Nord, sous la houlette des institutions financières internationales, continuent à faire des ponts d’or aux multinationales. Par nos choix en tant que consommateurs, mais aussi par les messages que nous adressons à nos dirigeants en tant que citoyens, nous pouvons faire la différence.– Exigeons la responsabilité juridique des multinationales vis-à-vis de leurs filiales et de leurs sous-traitants
Aujourd’hui, si la filiale, ou le sous-traitant, d’une entreprise multinationale européenne, installée en dehors des frontières européennes, commet des violations des droits humains ou provoque des dommages environnementaux irréversibles, la responsabilité de l’entreprise mère ou donneuse d’ordre n’est pas engagée. En multipliant filiales et sous-traitants, les multinationales peuvent ainsi profiter d’un cadre juridique extrêmement flou. Aux yeux du droit, chaque entité composant le groupe est considérée comme autonome et n’ayant pas de lien juridique avec la maison mère. Résultat : si un groupe multinational est économiquement cohérent (le profit de chaque filiale remonte à la maison mère), les violations demeurent dans les pays d’implantation, où le groupe jouit d’une impunité souvent totale.
Pour agir concrètement, il est essentiel d’adapter le droit des sociétés aux nouveaux enjeux d’un monde mondialisé, en levant la séparation juridique entre la maison mère et ses filiales et sous-traitants en cas d’abus vis-à-vis des droits humains ou de l’environnement. En instaurant ce régime de responsabilité, la France faciliterait l’accès à la justice des victimes de multinationales françaises dans des pays non européens. Une première étape incontournable pour que l’État remplisse son devoir de protection, et que les multinationales agissent de manière responsable.– Nos autres propositions –
– Renforcer l’obligation de transparence des multinationales en matière d’impacts sociaux, environnementaux et de droits humains.
– Obliger les entreprises bénéficiaires de subventions publiques à étudier l’impact des projets financés sur l’environnement et les droits humains. Ainsi,
les fonds publics ne pourront pas être à l’origine de violations des droits humains, des droits des travailleurs et de l’environnement.
– Lever les obstacles à l’accès à la justice en France pour les victimes des pays non européens, par exemple, en inversant la charge de la preuve et en introduisant dans le droit national la possibilité d’action de groupe (action de classe), permettant ainsi à un ou plusieurs demandeurs d’intenter une action en justice au bénéfice d’un groupe de personnes.Les spéculateurs s’engraissent alors que des femmes et des hommes ont faim !
Depuis la crise financière de 2008, de nombreux investisseurs se sont rabattus sur la spéculation sur les matières premières agricoles et font d’importants profits alors même que près d’un milliard de personnes souffrent de la faim – une ruée spéculative qui a d’ailleurs encore été amplifiée par
l’apparition de nouveaux marchés, comme celui des agrocarburants ou des crédits carbones. Ces pratiques ont directement favorisé les achats massifs
de terres et le détournement des productions alimentaires à d’autres fins et accentué l’envolée des prix. La domination des logiques de profits immédiats
nuit aux agriculteurs du monde entier, fausse la compétitivité, y compris de l’agriculture française, et le pouvoir d’achat des consommateurs.
En jouant ainsi sur les cours mondiaux des matières premières, les spéculateurs participent à maintenir un être humain sur sept en situation d’insécurité
alimentaire ! Et cela ne concerne pas seulement les pays du Sud : pour les 8,2 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté, se procurer une alimentation de qualité à un prix accessible devient une lutte quotidienne. On ne peut pas dire que les perspectives pour les prochaines années soient plus
rassurantes : en novembre 2011, la FAO (1) rappelait que les prix vont se maintenir à un niveau élevé en 2012 alors même que le coût de la nourriture a déjà augmenté de plus d’un tiers en 2011 dans les pays les plus pauvres.
Pourtant, toujours selon la FAO, l’agriculture mondiale, avec ses forces de production actuelles, pourrait nourrir normalement 12 milliards de personnes, soit presque le double de l’humanité actuelle. Nous le revendiquons, il n’y a pas de fatalité à la montée des prix des produits alimentaires, mais
une urgence : interdire, par nos lois, la spéculation sur ces produits. Brisons la spéculation sur la faim !
Luttons contre la spéculation sur les marchés agricoles– Interdisons la spéculation sur les matières premières agricoles – Ce n’est qu’en mettant fin à la spéculation et en s’engageant en faveur d’une véritable régulation des marchés agricoles au bénéfi ce des petits producteurs, que la France fera preuve de cohérence dans sa volonté de maîtriser l’économie et de faire face au défi alimentaire mondial.
Il s’agirait en premier lieu d’encadrer et de réguler les pratiques financières qui mettent en péril la stabilité des prix. On pourrait ainsi interdire à tout investisseur hors secteur agricole (comme les fonds de pensions ou les compagnies d’assurances) d’intervenir sur les marchés de matières premières
agricoles. Cela devrait s’accompagner d’un renforcement des pouvoirs des autorités des marchés afi n qu’elles puissent agir sur toute situation entraînant un fort déséquilibre des cours (retournements opportunistes, brusque
hausse des volumes de transaction sur une denrée…).– Nos autres propositions –
– Mettre en place des stocks de régulation qui permettraient de temporiser les fortes hausses ou baisses de prix par introduction sur les marchés ou stockage de denrées.
– Rendre transparentes les informations relatives à la production et aux stocks, y compris pour les agro-industriels et le secteur agroalimentaire.
– Stopper l’incitation à la production d’agrocarburants dans les pays en développement, ce qui exige d’abandonner le calendrier européen qui prévoit l’incorporation de 10 % d’agrocarburants dans le secteur des transports d’ici à 2020.
