Au moment où le Conseil indigène missionnaire (CIMI) brésilien va rendre public le 13 juin prochain son Rapport sur la violence à l’encontre des populations indigènes au Brésil, il peut être bon de faire connaître un missionnaire jésuite au parcours étonnant.
Le frère Vicente Canas était un simple frère jésuite, sans diplôme d’aucune sorte, désireux simplement de servir la vie d’une communauté de la Compagnie de Jésus dans un pays de mission. Envoyé au Brésil, il s’occupa ainsi de la cuisine d’un séminaire, dans le Mato Grosso. En 1969, il accompagna un de ses confrères
dans une visite d’urgence au sein d’une tribu décimée par la grippe. En quelques mois, leur nombre était passé de 600… à 90 ! Pendant plusieurs mois, le F. Vicente a aidé cette communauté en détresse, découvrant par la même occasion la situation dégradante dans laquelle la civilisation tenait ces communautés. Il venait de trouver le sens profond de sa présence en ce lieu.
dans une visite d’urgence au sein d’une tribu décimée par la grippe. En quelques mois, leur nombre était passé de 600… à 90 ! Pendant plusieurs mois, le F. Vicente a aidé cette communauté en détresse, découvrant par la même occasion la situation dégradante dans laquelle la civilisation tenait ces communautés. Il venait de trouver le sens profond de sa présence en ce lieu.En 1971, il participa à l’expédition qui prit contact avec les 25 derniers membres de la tribu Myki puis en 1974 avec ceux des Enawene-Nawe. « M’établir au milieu d’eux, me faire présent à eux ! » Voilà ce qui va devenir son credo missionnaire au moment où il décida de devenir l’un des leurs, posant un regard d’une belle profondeur et culture sur ce peuple. La tribu de 150 membres, qui avait gardé sa culture intacte, l’adopta au bout de 2 ans. Il se mit à vivre avec eux : travail du manioc et du maîs, pêche, cérémonies interminables, végétarianisme. Les autres missionnaires l’ont appelé peu à peu »le bénédictin de la forêt ».
Il resta ainsi 5 ans de suite sur place, sans en partir, pour s’habituer physiquement à cette vie rude et aux rites communautaires. Parlant mal leur langue, il communiquait par l’attention qu’il portait à chacun. A 60 km du village, il avait construit une cabane pour garder les objets de la civilisation qui lui permettait de revenir en ville ou d’appeler ses confrères quand il fallait, et éviter ainsi aussi de perturber la culture des personnes avec qui il vivait. L’Evangile qu’annonçait le frère Vicente était celui d’une vie partagée, incarnée dans cette culture, pour éviter toutes les dérives d’une ouverture souvent dangereuse à la culture occidentale dominante souvent destructrice socialement pour ces groupes humains. Le Père Bartolomé Melia, S.J., de la Province du Paraguay, anthropologue connu qui vécut avec Vicente dans le village indigène, écrivait de lui : » A la frontière culturelle et religieuse où il vivait, Vicente était passé avec armes et bagages chez les Enawene-Nawe. Il ne menait pas une double vie de même qu’il ne portait pas deux chemises. La pratique de la religiosité indigène marquait sa foi chrétienne. Il ne l’expliquait pas, mais il le vivait dans une grande paix et sans aucun scrupule de conscience ».
Le F. Vicente disparut en mai 1987. Son corps fut découvert plus d’un mois après son assassinat : sa présence auprès des Enawene-Nawe dérangeait trop ceux, commerçants et de pillards plus ou moins officiels, qui commençaient à parcourir leur territoire. On sait depuis lors que le délégué de la police appartenait probablement au groupe de ceux qui avaient ourdi le crime. Ce n’est que six ans plus tard que l’affaire fut portée devant la justice, avec une lenteur désespérante. Mgr. Erwin Kràutler parla, au cours de l’homélie pour les funérailles de Vicente « Kiwxi » (son nom indien), des religieux et des religieuses qui, comme Vicente, font partie « d’une innombrable légion de martyrs anonymes, Indiens, petits cultivateurs, humbles pères de famille, hommes et femmes qui, au cours des dernières années, ont souffert le même martyre. Combien ont pour sépulture les maquis d’Amazonie ! » En 2012, les choses ne vont pas mieux comme le signale le rapport du CIMI : « Les données présentées dans ce rapport révèlent l’agression contre la dignité humaine des populations indigènes du Brésil, leur douleur et leur souffrance » écrit S.Exc. Mgr Erwin Krautler, Président du CIMI et Evêque de la Prélature de Xingu (PA). « Nous dénonçons la société brésilienne et les organisations internationales, la violence contre les peuples indigènes et, dans le même temps, nous attirons l’attention des autorités afin qu’elles adoptent des mesures qui endiguent cette violence » explique Cleber Buzatto, le secrétaire exécutif du CIMI.
Source : Fides et site des Jésuites