Le 15 juin dernier, au Paraguay, une confrontation violente entre l’armée et des fermiers a mal tourné, faisant 10 morts chez les fermiers et 7 chez les soldats, sans compter de nombreux blessés. Les responsables du Conseil des Eglises d’Amérique Latine (CLAI) ont condamné l’usage de la violence dans cette opération.
Celle-ci consistait à déloger 150 fermiers à Canindevu (200 km au nord de la capitale) d’une ferme de 2000 ha, propriété d’un homme d’affaire qui a porté plainte contre ces familles installées là depuis trois semaines. Ces fermiers, soutenus par de nombreuses associations de la société civile, contestent la répartition injuste des terres, les « tierras mal habidas » (terres mal-habitées) au Paraguay, issue de 35 ans de dictature sous le régime d’Alfredo Stroessner, au profit d’amis paraguayens ou brésiliens du régime. Il faut rappeler que le Paraguay est « le pays le plus inégalitaire du monde quant à la répartition de la terre (1 % des propriétaires possèdent 84 % de la terre) », selon les sources du CCFD-Terre Solidaire. Une répartition encore aggravée avec le développement sans précédent ces dernières années des monocultures massives de soja.
Un état de fait que le nouveau président élu en 2008, Fernando Lugo, surnommé « l’évêque des pauvres » (étant un ancien ecclésiastique converti à l’action politique) a tenté de remettre en cause mais sans arriver à un accord satisfaisant. Les affrontements ont forcé le président Fernando Lugo à demander la démission de son ministre de l’intérieur et de son chef de la police. Mais plus grave encore, le président lui-même, quelques heures plus tard, a été démis de son poste le 22 juin, en violation des règles constitutionnelles. Un « coup d’Etat parlementaire » que le CCFD-Solidaire et ses partenaires locaux n’hésitent pas à désigner, dans un communiqué, comme étant la « revanche de l’oligarchie » qui n’a jamais accepté la première alternance démocratique en 60 années de règne du parti Colorado. Le parlement, tenu par les partis traditionnels, s’est constamment opposé aux projets réformateurs du président élu. » Pendant son mandat, des avancées sociales ont néanmoins pu être notées, notamment en matière de redistribution ou encore de mise en place d’un système de santé basique. En revanche, ses initiatives visant à limiter le poids de la monoculture du soja et l’extrême concentration de la terre ont toutes été bloquées par le Parlement, dominés par des représentants de l’oligarchie terrienne. La menace d’une destitution avait déjà été brandie contre Fernando Lugo à plusieurs reprises pendant son mandat. »
Les voisins du Paraguay et la communauté internationale ne reconnaissent pas le nouveau gouvernement mis en place par une « rupture de l’ordre démocratique » selon la présidente du Brésil, Dilma Roussef. L’élection présidentielle de 2014 semble aiguiser les appétits d’autant que Lugo ne désirait pas s’y représenter.
Source : ENInews, 21 June 2012 / CCFD-Terre-Solidaire