Monseigneur Francis Assisi Chullikatt, nonce apostolique et observateur permanent près l’organisation des Nations-Unies à New York, après avoir été en poste au Honduras, en Afrique du Sud, aux Philippines, en Jordanie et en Irak, revient dans un entretien récent sur la rencontre Rio+20. Rappelons qu’au cours de ce sommet, un document final a été adopté officiellement le 22 juin 2012, sans valeur d’obligation, intitulé : « L’avenir que nous voulons ». Un document de 49 pages, divisé en 283 points et six parties : Notre vision commune / Renouveler l’engagement politique / L’économie verte dans le contexte du développement durable et de l’élimination de la pauvreté / Dispositif institutionnel du développement durable / Cadre d’action et suivi / Moyens de mise en œuvre. D’autres priorités ont aussi été abordées comme la mise en place de lieux de travail dignes, la production d’énergie, l’amélioration des zones urbaines pour en faire des cités écodurables, la sécurité alimentaire, des modèles d’agriculture durable, une meilleure utilisation de l’eau, la protection des océans et la capacité à répondre immédiatement aux catastrophes.
Extrait de l’entretien avec Mgr Chullikatt.
Quels thèmes importants le Saint-Siège a-t-il soulevés ?
Le premier point a été de rappeler « le caractère central des êtres humains pour un développement durable ». Le Saint-Siège a mis l’accent sur les nombreuses menaces qui pèsent sur la famille humaine et sur sa maison, la terre. Il a souligné que la personne humaine est au centre de la création et donc au centre d’un développement durable, rappelant de cette manière, le tout premier principe de la Déclaration de Rio (1992) sur l’environnement et le développement. Il a notamment expliqué que les droits à l’eau potable, aux services d’hygiène, à la nourriture, à l’assistance sanitaire de base et à l’instruction sont des droits intrinsèquement liés au droit à la vie, à la survie et au développement. Ceux-ci sont au service de la personne humaine et de la famille.
Le deuxième point a été de faire comprendre qu’il faut une révision profonde et clairvoyante du développement. De ce point de vue là, les principes fondamentaux devant figurer dans les politiques du développement durable sont celles-ci : la responsabilité, la promotion et le partage des biens communs, l’accès aux premières nécessités, la solidarité universelle, la capacité à reconnaître l’unité de la famille humaine, la protection de la création étroitement liée à l’égalité et à la solidarité internationale, la destination universelle des biens comme fruits du travail des hommes et, enfin la subsidiarité qui permet aux autorités publiques, du niveau local aux plus hautes institutions, d’agir efficacement, de valoriser chaque personne et de chaque famille. Enfin, la protection des biens et la promotion du bien commun. Quand ces principes seront appliqués au niveau mondial, concernant notamment le transfert des technologies vers les pays en voie de développement, ou favorisant un système financier plus juste et une augmentation des aides pour le développement, alors elles auront contribué à la promotion de cette dignité humaine intrinsèque, au développement intégral de la personne, de la famille, au bien commun, à la solidarité et à la sauvegarde de l’environnement comme centre des activités économiques.
Le troisième point fait référence au besoin d’un modèle de développement intégralement humain, soumis à des conditions éthiques et morales. La crise économique et financière doit tenir compte aussi de la crise morale et culturelle, doit l’analyser. Certes, passer d’un modèle de développement purement technologique à un modèle intégralement humain, qui parte de l’intrinsèque dignité et valeur de la personne humaine et de sa dimension sociale fondamentale, la famille, est un défi complexe. A la fin, ce sont les personnes qui sont chargées de gérer la nature, mais comme toutes les choses humaines, cette gestion a besoin d’une dimension éthique.
Le quatrième point concerne l’économie verte, la dignité humaine, le développement intégral et la famille. La Conférence des Nations Unies a proposé l’« économie verte » comme point d’intersection entre environnement et développement. Un bon nombre de pays en voie de développement (Psv), surtout d’Afrique, s’est dit sceptique face à ces politiques économiques présentées comme « vertes et amies de l’environnement », posant le problème de la difficulté des Pvs à accéder aux technologies plus respectueuses de l’environnement et aux sources d’énergie. Ainsi les Pvs ont demandé à ce que l’« économie verte » s’accompagne d’un meilleur soutien, plus coordonné, de la part des pays développés. Ils demandent à pouvoir renforcer leur capacité constructive, réclament un meilleur transfert des technologies, des financements et des supports techniques, la fin de l’écart technologique qui sépare les pays avancés des pays en voie de développement. Selon le Saint-Siège, pour avoir du succès, l’économie verte doit être encouragée, soutenue, et appliquée de manière inclusive, en l’axant clairement sur la promotion du bien commun et l’élimination de la pauvreté au niveau local. Deux objectifs qui sont essentiels pour arriver à un développement durable. Autrement dit, nous avons besoin d’une alliance entre l’environnement et le développement dont chaque personne humaine pourrait bénéficier. Donc, pour mettre l’« économie verte » dans sa juste prospective, le Saint-Siège a souligné qu’elle devait être ancrée à ces principes qui sont essentiels si l’on veut promouvoir efficacement le respect et la dignité intrinsèque de chaque personne et devait viser le développement intégral , le renforcement de la famille, fondée sur le mariage entre un homme et une femme, noyau naturel et fondamental de la société (cf. UDHR, art. 16, ICCPR, art. 23, ICESCR, art. 10).
Source : zenit ; textes originaux du Saint Siège