Tout va (presque) bien, madame la Marquise

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Parmi les livres qui sortent actuellement, on peut citer le dernier ouvrage de Samuele Furfari, déjà évoqué dans ce blog. Après avoir exposé son angle d’attaque dans Dieu, l’Homme et la Nature, où il dénonçait les dérives écologistes contre l’humanisme chrétien, ce chrétien évangélique engagé, « bibliquement correct » comme il le dit lui-même, réitère une attaque en règle contre le monde de l’écologie dans cet ouvrage sur les « mirages et vérités du développement durable ».

Il faut dire que l’homme est un bon connaisseur des dossiers de l’énergie notamment. Comme fonctionnaire à la Direction de l’énergie et du transport à la Commission de Bruxelles depuis 25 ans, mais aussi parce qu’il enseigne la géopolitique de l’énergie à l’Université Libre de Bruxelles.

Pour autant, la lecture de l’ouvrage laisse sur la même impression en demi-teinte que pour son précédent. Au nom d’un légitime discours dénonçant les limites et les contradictions de certains discours écologistes, l’auteur fait une lecture qui prend, presque à chaque fois, le contre-pied du politiquement correct écologiste actuel. Le tout avec une belle vision positive du progrès et de la science… quand ça l’arrange. On ne s’étonnera donc pas de voir l’auteur défendre par exemple les bienfaits du nucléaire civil, avec un sens du raccourci qui laisse songeur :

« A part un accident sans conséquences fâcheuses à Three Mile Island en 1979, la catastrophe de Tchernobyl en 1986 – fruit inévitable du soviétisme – et l’accident de Fukushima en 2011 dû à un tsunami sans précédent dans l’histoire récente, la légitimité du nucléaire a fait ses preuves pour ceux qui ont besoin d’électricité en abondance. » (p. 180)

Les habitants de Tchernobyl et de Fukushima seront heureux d’apprendre que leur malheur n’est évidemment pas lié au nucléaire mais à la politique et à la nature…

Mais sur un autre plan, évidemment, l’auteur nie, contre vents et marées, que des scientifiques puissent prétendre affirmer que le réchauffement climatique  soit dû aux activités humaines (p. 195), ce qui ne relève selon que de la « prétention et de l’orgueil » de ces scientifiques dévoyés.

Et aussi : « Contrairement au discours des associations écologistes relayé par les médias, nous vivons aujourd’hui dans un monde plus ‘propre’ que par le passé » (p. 221) du fait des règlementations anti-pollutions des Etats (tous vraiment ?). La pollution n’impacte par sur l’espérance de vie, selon l’auteur, et il n’y a pas de problème à venir avec l’eau potable dans le monde (puisqu’il suffit de transformer l’eau sale ou salée en eau propre – mais à quel coût ?)  Et évidemment, il n’y a aucun problème avec la technique de fracturation hydraulique des gaz de schiste, puisque les ingénieurs ont tout prévu. Toute contestation ou témoignage contradictoire ne relève, pour l’auteur que des délires manipulateurs de « l’internationale catastrophiste ». C’est sûr qu’avec ça, on est bien avancé !

On l’aura compris, la position très « allégriste » de l’auteur tombe dans le piège des postures de ses adversaires qu’il veut (légitimement) dénoncer : simplifications de l’argumentaire, démonisation systématique d’un adversaire volontairement flou (médias, écologistes, etc.), et formules lapidaires qui passent sur le vécu réel des populations en privilégiant le discours universel de l’ingénieur qui ne se réjouit que des solutions sans se soucier des problèmes.

Un livre donc intéressant à lire parce qu’il est d’abord toujours formateur de se frotter à des approches critiques qui pointent aussi de vrais limites dans les discours écologistes. Mais aussi parce qu’il témoigne de cette posture anti-catastrophiste par principe, qui n’est qu’une autre version des positions idéologiques qui polluent les discours.

Car, il serait bon de le rappeler à l’auteur que l’écologie recouvre une nébuleuse de positions et d’approches qui ne se retrouvent pas toutes sous le projet d’un développement durable tel qu’il est proposé aujourd’hui. C’est justement en exerçant un art du discernement évangélique, qui reconnaît au milieu de l’ivraie le bon grain, que des hommes et des femmes de bonne volonté pourront travailler ensemble au service de la vie, au-delà des étiquettes et des discours.

Allez, encore un effort Mr Furfari…

DL

Samuele Furfari, L’écologie au pays des merveilles : Mirages et vérités du développement durable, éd. François Bourin. 

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