Début septembre s’est tenu à Québec (Ca) le 5e festival de la Bible, organisé par la communauté assomptionniste qui gère le lieu du Montmartre canadien, sur les bords du fleuve Saint-Laurent. Le thème de cette édition était consacré à l’écologie, avec des mises en perspectives diverses, scientifique, sociales, exégétiques et spirituelles. Près de 130 personnes ont participé à ces rencontres, dans la droite ligne des « Eglises vertes », un mouvement lancé il y a quelques mois au Canada pour sensibiliser les communautés chrétiennes et les aider à agir.
On peut retrouver l’essentiel des diverses interventions ici. On pourra notamment y lire avec intérêt l’intervention du théologien Louis Vaillancourt (de l’université de Sheerbrooke). En voici un extrait :
L’intuition fondamentale du christianisme est que l’être de Dieu se dévoile en se diminuant, en renonçant à sa toute-puissance. Et pourtant, toute l’histoire du rapport homme/nature va dans le sens inverse: l’humain croit se réaliser et réaliser l’image de Dieu en lui en s’élevant, en cherchant à acquérir la toutepuissance sur le monde. La crise écologique apparaît comme le refus de la part de l’humain de se «diminuer», de «se faire petit», ou, inversement, comme la recherche orgueilleuse d’une grandeur «divine» dont on retrouve la trace en Genèse 3,5 : «Vous serez comme des dieux». Elle manifeste la résistance congénitale de l’être humain à vouloir «que l’autre soit» et le désir intense de s’accaparer l’être pour soi. Elle témoigne de la tendance innée de l’humain à «être-contre» l’autre pour pouvoir «être-lus» (concrètement, «avoir» plus) que l’autre. Au fond, nous sommes devant le test ultime de l’exercice de notre pouvoir: sommes-nous assez «puissants» spirituellement pour contrôler l’usage de notre puissance, pour maîtriser notre maîtrise du monde? Sommes-nous capables de mettre notre puissance au service de l’autre, au service de la vie, en particulier dans ce qu’elle a de plus fragile, de plus faible? Jésus ne nous a montré que cela: un Dieu dont la puissance amoureuse veut la vie de toutes les créatures (surtout les plus démunies), au point de devenir lui-même une créature impuissante. Le Christ est, en tant que serviteur de la Vie, le puissant capable d’impuissance. En fait, l’expression suprême de la «puissance» d’un être ne serait-elle pas de pouvoir prendre une forme paradoxalement différente de celle qui consiste à réduire les possibilités de l’autre? Il est clair que du côté de Dieu, la puissance et le pouvoir, exercés dans l’amour, n’entraînent pas l’anéantissement des autres créatures. Au contraire, les capacités de conservation, de respect, de compassion, sont proportionnelles à la faiblesse de l’autre: «Tu as pitié de tous, parce que tu peux tout», écrit l’auteur de la Sagesse (Sg 11,23) en parlant de Dieu. La toute-puissance divine, généralement conçue comme une omnipotence arbitraire, trouve en Jésus sa vraie mesure: faire vivre, traiter avec ménagement ce qui est petit et fragile. Le péché réside précisément dans l’usage du pouvoir sur la création en vue d’un agrandissement personnel.
DL