On sait qu’aux Etats-Unis, la question environnementale est portée plutôt par les milieux démocrates. Du côté des conservateurs républicains, la présence importante des milieux évangélistes du sud du pays, souvent créationnistes et peu enclin à penser que la création divine puisse être malmenée foncièrement par la main de l’homme (puisque le rêve américain fait partie, selon eux, du plan divin lui même) rend difficile la mobilisation sur ces questions.
Pourtant, là aussi ça bouge, montrant que la prise de conscience écologique dépasse les
frontières idéologiques trop simplistes. La catastrophe de la fuite de pétrole de la plateforme Deep Horizon en avril 2010 au sein du Golfe du Mexique a, il est vrai, servi de déclencheur pour un certain nombre de chrétiens de cette mouvance.
Voici un nouvel exemple de la manière dont les urgences écologistes croisent les questions bioéthiques qui sont, elles, le champ naturel de réflexion des conservateurs chrétiens américains. La pasteure évangéliste Tracy, dans cette vidéo, se présente avec sa fille, en rappelant qu’elle croit que chaque vie est précieuse aux yeux de Dieu. Elle demande aux membres du Congrès américain de protéger les nouveaux-nés en œuvrant à réduire les émissions de polluants industriels.
Dans un article récent, Mallory McDuff, déjà présentée sur ce blog, écologiste et activiste chrétienne épiscopalienne, réagit à cette vidéo en posant la question traditionnelle de l’éthique évangéliste (« Qu’aurait fait Jésus dans tel cas ? ») de la manière suivante : « Est-ce que Jésus aurait multiplié des poissons contaminés par le mercure, en le distribuant aux femmes enceintes présentes dans la foule ? » La vidéo témoigne que le Réseau Evangélique Environnemental (EEN) se mobilise désormais sur cette question, en la ramenant dans une perspective « pro-life ». Un glissement intéressant puisqu’il ne réduit plus cette posture à une simple opposition à l’avortement mais à un soutien actif aux politiques protégeant l’environnement sanitaire des enfants à naître et déjà nés. Le révérend Mitch Hescox, président du EEN a témoigné en ce sens devant le sous-comité sénatorial sur les questions de l’énergie le mois dernier, pour soutenir le nouveau standard national de l’Agence de l’environnement américain (EPA) qui veut réduire les émissions de mercure et des autres polluants de 90 % dans les 5 prochaines années.
Pourtant, la question ne fait pas l’unanimité au sein de ces communautés souvent farouchement opposées aux politiques protectionnistes de l’EPA ou à l’intervention de l’Etat, surtout quand il est démocrate… Beaucoup d’entre elles nient d’ailleurs tout simplement les changements climatiques en cours. Ainsi, pour le révérend John Shimkus (Illinois), le terme » ‘vie’ dans « pro-vie’ ne désigne pas la qualité de la vie mais la vie elle-même « , et regrette donc cette évolution. Ce que le conseil de recherche sur la famille et l’alliance Cornwall disent aussi à leur manière, refusant d’inscrire les incidences de la pollution dans le cadre d’une politique « pro-vie ». Il faut dire que ces deux mouvements ont des liens avec les industries gazières et pétrolières connus…
DL