La nouvelle évangélisation concerne aussi le monde rural

Mario Toso est le secrétaire du Conseil Pontifical catholique Justice et Paix à Rome. C’est lui qui vient de rassembler dans un document récent quelques pistes de réflexion concernant le devenir du monde rural, dans la perspective de la nouvelle évangélisation. Ces pistes sont notamment le fruit du IVe Congrès mondial sur la vie rurale qui s’est tenu à Rome du 24 au 27 juin dernier, organisé par le Conseil Pontifical et l’Icra, l’association internationale rurale catholique. En voici quelques extraits intéressants (intégralité du texte ici ou dans le prochain numéro de la Documentation catholique).

(…) La nouvelle annonce de Jésus-Christ est motif d’un développement intégral pour tous les peuples et pour le monde agricole et rural aussi, du fait qu’elle permet de vivre le principe moral premier de la croissance avec un amour comblé de vérité, en demeurant en Celui qui est Agápe et Lógos. En vivant
dans le Christ, il est possible d’accéder à une nouvelle synthèse culturelle, à une vision plus complète de l’homme, à un humanisme social nourri de la fraternité, d’une relationalité de renforcement mutuel, du partage de biens spirituels et matériels, colonnes portantes d’un développement durable et
inclusif. Grâce à une nouvelle évangélisation, il est possible d’interpréter la question sociale rurale en termes anthropologiques. A travers elle, les rapports entre l’homme et la nature ne sont plus préfigurés dans le signe d’un naturalisme ingénu, qui considère la création comme intouchable, ni dans le signe d’une domination qui la détruit. La création est donnée par Dieu à tous les hommes, afin qu’ils l’admirent dans toute sa grandeur, et qu’ils l’utilisent sagement et de façon responsable à l’intention des plus pauvres, de l’humanité tout entière et des générations futures. Tandis que doit être reconnue la primauté de la personne sur la création, il faut aussi tenir compte de ce que celle-ci est l’oeuvre merveilleuse de Dieu, et qu’elle porte en soi une «grammaire» indiquant la finalité et les critères en vue d’un usage non instrumental et arbitraire. La nouvelle évangélisation des communautés ecclésiales ne doit pas être marquée par des lacunes, mais doit être passionnée et efficace, souvent dans un contexte où le problème de l’environnement est fortement ressenti. Lorsqu’elle vient à manquer, la maison de l’humanité subit des violences infligées par des personnes ou des groupes qui ne prennent pas en compte les conditions de durabilité, ce qui entraîne des dommages irréparables. (…)

Dans un contexte où l’agriculture a toujours plus besoin du support d’une « écologie humaine » – c’est-à-dire d’une « écologie » attentive à la formation
morale et religieuse des personnes –, son lien étroit avec la famille en tant que structure première et fondamentale de cette écologie (cf. Centesimus annus n°39) se présente comme vital et incontournable. L’ONU a déclaré que 2014 sera l’année internationale consacrée à l’agriculture familiale. La tradition de la
pensée sociale catholique pourra donner à l’expression «agriculture familiale» toute cette épaisseur sémantique et de valeurs vécue par l’unité relationnelle qu’est le « nous » de la famille, où les sujets s’aiment réciproquement, dans un
renforcement mutuel de leur être. Quoi de mieux qu’un tel rapport et qu’une vie commune familiale peut être un humus fécond et un modèle de comportement également pour une agriculture biologique – ou « verte » – c’est-à-dire pour une agriculture durable qui entend transmettre des valeurs et doit vivre un rapport constant de solidarité entre les hommes, d’alliance entre l’homme et la nature ? (…)

Activité humaine réalisée dans le temple de la création, l’agriculture doit être vue comme un ensemble d’activités multiples, de sagesse sociale et de traditions, de styles de vie, de pratiques, d’institutions, de moyens techniques,
d’innovations, grâce auxquelles, en tant que personnes individuellement ou en groupe, les hommes s’attachent à nourrir l’humanité. En outre, en prenant soin de la terre cultivable, des zones vertes, des bois, des cours d’eau des collines et des montagnes, ils ont la possibilité de veiller sur les biens environnementaux en en développant les virtualités intrinsèques pour le bénéfice de tous – générations présentes et futures.

L’agriculture, «économie verte»

Dans le contexte actuel de mondialisation et de problématiques écologiques, l’agriculture est appelée à participer à l’économie dite «verte», un concept qui s’affirme toujours plus, bien qu’il doive encore être défini de façon plus précise. La perspective de l’agriculture dans l’économie «verte» assume toujours davantage de sens, à la lumière de l’enseignement de la Doctrine sociale de l’Eglise (=DSE), lorsqu’elle est comprise comme l’activité qui, tout en permettant de produire des biens et des richesses – et donc de créer un travail
digne qui ne soit pas exploité – à la fois préserve et renforce les potentialités de l’environnement pour permettre aux générations futures une vie meilleure mais aussi la liberté de choisir entre l’utilisation ou non du patrimoine naturel entre différents niveaux de bien-être naturel et de qualité de l’environnement.

Dans un contexte de mondialisation insuffisamment gouvernée, la financiarisation de l’économie, le capitalisme financier déréglé et la technocratie soumettent l’agriculture à des pressions et à des mécanismes délétères, caractérisés par des modèles de production et de consommation qui parviennent à détruire les entreprises agricoles, à ignorer l’importance de la sécurité alimentaire, du respect/bien-être des animaux, de la production locale. En réponse à ces tendances, on voit se développer un nouveau modèle d’agriculture, qui la conjugue en termes de qualité, de typicité, de multifonctionnalité, de contrôle ou d’entretien du territoire, de sécurité alimentaire. Un tel modèle apparaît comme étant plus adéquat à la dignité des cultivateurs et aux exigences de la création, dont les règles intrinsèques doivent être identifiées et respectées.

Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Derkenne Emmanuel dit :

    Bravo pour ce texte ; ce n’est pas si fréquent que l’on parle du monde rural alors qu’une majorité de personnes dans le monde dépendent pour leur survie de ses ressources naturelles.

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