Les réfugiés climatiques sont-ils une « question éthique » ?

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A l’occasion du mois de prière pour la Création, la coalition catholique sur le changement climatique, avec l’appui de la Conférence des évêques catholiques, du Catholic relief services et du Catholic charities USA, invitent les paroisses, écoles et collèges catholiques du pays à visionner durant ce temps le documentaire nominé aux Oscars Sun come up. Une centaine de lycées et d’universités catholiques ont déjà donné leur accord. Le film de 40 min réalisé par Jennifer Redfearn raconte l’histoire du déplacement de plusieurs familles résidant sur les Iles Carteret, dans le Sud de l’Océan Pacifique, et dont les terres sont menacées par la montée des eaux liée au réchauffement climatique (La bande annonce peut être vue ici). Après avoir demandé l’hospitalité dans une quinzaine de villages différents, c’est finalement dans une paroisse catholique de la région de Tinputz qu’ils trouvent une nouvelle terre, symbolisée par la célébration d’un mariage symbolique entre les deux communautés. La réalité de ce que les « réfugiés climatiques » vivent donc déjà aujourd’hui dans le monde, avec toutes les conséquences sociales que cela entraînent dans les régions d’accueil.
« La conversion écologique à laquelle notre Eglise nous invite demande un nouveau regard sur la relation que nous entretenons avec la source divine de toute vie et un examen sur la manière dont nous vivons et sommes reliés les uns aux autres, et aux autres créatures sur notre maison commune, la planète Terre. »
C’est soeur Wendy Flannery, soeur de la Miséricorde à Brisbane en Australie qui s’exprime, en écho avec de nombres institutions catholiques australiennes très mobilisées par le devenir de ces communautés insulaires.

L’initiative de la projection de ce film ne semble cependant pas faire l’unanimité dans les communautés catholiques américaines. Ainsi, le Dr Jeff Mirus, fondateur de Trinity Communications (!) et du site américain CatholicCulture.org, s’interroge sur le projet de vouloir faire du changement climatique un enjeu moral, et donc sur le fait qu’il faudrait agir en conséquence pour en limiter les effets. Selon lui, les données scientifiques ne sont pas assez fiables et par ailleurs, le monde n’est pas assez unifié pour entreprendre une quelconque action collective sur un tel problème.

Pour lui, « si le changement climatique peut être un problème pour certaines personnes dans certaines régions, et même peut être à un certain point un problème pour tous, cela n’en fait pas un problème moral. Nous pouvons être interpellés pour assister ceux qui souffrent (comme c’est le cas pour d’autres raisons) mais nous ne sommes pas moralement obligés de nous joindre à ceux qui luttent directement contre le changement climatique. »
La suite de son raisonnement est assez typé et ressemble à bien des raisonnements entendus dans les milieux climato-sceptiques : contestation des discours (supposés) anti-humanistes des militants environnementalistes ; danger de détourner l’attention des chrétiens sur une prétendue urgence non-vérifiée (le réchauffement climatique) au détriment d’autres priorités autour du devenir de la personne humaine plus en cohérence avec la doctrine catholique. L’auteur laisse même entendre que les plus grands militants de cette prétendue cause sont aussi les moins actifs dans leur foi et leur pratique et qu’ils sont les mêmes qui ont défendues des causes perdues ou dangereuses dans le passé : prétendu âge glaciaire, appel au « safe sex », annonce d’une pseudo explosion démographique… Autant de discours qui auraient poussé à de mauvaises décisions politiques, aggravant encore la situation au lieu de l’aider. Pour l’auteur, les défenseurs du climat perdent leur énergie au lieu de défendre les valeurs familiales et une bioéthique humaine respectueuse de tous. Ils se cachent derrière des campagnes hétéroclites et immorales, au lieu de travailler sur les urgences sociales et sociétales, dont le respect de l’ordre naturel est la clé pour en percevoir le sens.

« Cet essai de diffusion d’un documentaire sur le changement climatique dans les paroisses et les écoles scolaires est, je pense, un exemple typique de cet échec moral commun, émergeant d’un refus de ces militants de voir en face des infections morales bien plus urgentes qui ont d’ors et déjà métastasées notre culture en un mortel cancer. »

Pour quelqu’un qui critique le langage excessif des environnementalistes, voilà au moins une vision nuancée. Et comme toujours, l’opposition entre les gentils acteurs de la charité et du respect de la loi naturelle et les méchants scientifiques immoraux et manipulateurs fonctionne comme au bon vieux temps des hérésies manichéennes. Un monde où il n’existe aucune nuance et aucun acteurs de bonne volonté dans les milieux qui ne sont pas les miens…

Son texte s’achève avec une critique en règle des études climatologiques, considérant que le climat dans le passé a déjà eu des soubresauts et que les données chronologiques dont disposent les spécialistes ne sont pas assez nombreuses pour en tirer une quelconque lecture de l’accélération du réchauffement climatique en cours. Il faudra donc du temps pour comprendre ce qui se passe. Et en attendant donc, le changement climatique ne peut pas être considéré comme une urgence morale. CQFD. Et tant pis pour les habitants des îles de Carteret.

DL

Sources : Article de Sharon Abercrombie dans

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