Zambie, la résistante

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L’actualité européenne montre régulièrement que la question des OGM n’est toujours pas réglée. Mais le débat est aussi.
Bridget O-Connor et le jésuite Paul Desmarais proposent ici de découvrir l’histoire des OGM… en Zambie. Une parabole de nos mondialisations en cours ?

2002 est dans cette histoire, un moment clé. Cette année-là, la Zambie a décidé de refuser l’importation d’OGM de maïs américains. En effet, durant les mois passés, le pays a souffert de mauvaises récoltes du fait de la sécheresse. Une solution d’urgence aurait pu être d’accepter des souches d’OGM plus résistantes. Après avoir soigneusement pesé le pour et le contre, les autorités du pays ont cependant refusé l’offre, préférant cherchant d’autres solutions alternatives.

Les foudres américaines ne tardèrent pas à s’abattre : accusés par le gouvernement américain et les industriels des biotechnologies végétales de laisser « mourir des milliers de gens de faim », en se laissant influencer par des environnementalistes occidentaux…dont les jésuites du Kasisi Agricultural Training Centre. Une concurrence déloyale pour les américains qui, du coup tentèrent d’influer la Curie romaine pour que ces jésuites cessent de « tuer des gens ». Cependant, la Croix Rouge zambienne signala qu’elle ne nota pas une seule mort de faim dans le pays durant cette crise… Mais les rumeurs sont pratiques. Mark Lynas, ambassadeur américain des OGM en Afrique, continue ainsi, dans ces interventions, à répandre ces propos méprisants et irréels, reprenant aussi les propos de Robert Paarlberg, dans un livre intitulé « Starved for Science », publié en 2009.

Dix ans plus tard, Mundia Sikatana, décéda. Un hommage particulier fut rendu à celui qui était en 2002 le ministre de l’agriculture et qui fut donc l’artisan de cette mis au ban des OGM américains. L’homme était avocat de métier et fut un artisan très actif des droits de l’homme dans son pays. Mais entre-temps, la lutte continua.

  • En 2007, une politique de « sécurité biologique » fut mise en place, avec des procédures sévères envers les OGM, incluant une clause « pollueur/payeur ».
  • En 2010, les échanges sur le marché commun en cours de constitution pour les pays de l’est et de l’ouest africain (COMESA), fournirent une magnifique occasion pour tenter d’abaisser les conditions draconiennes de la Zambie envers les OGM. Des délégués du centre Kasisi étaient là et découvrir que, depuis 2009, une agence spéciale de ce marché commun oeuvrait pour l’élaboration d’une alliance économique d’un nouveau genre (Actesa). Une alliance qui reconnaissait, de fait, le « potentiel des biotechnologies pour augmenter la productivité céréalière et leur qualité. » Le cheval de Troie était donc bien en place. En réponse, une coordination vit le jour, appelée Alliance pour l’agroécologie la conservation de la biodiversité qui rapidement informa les médias et les petits paysans de ce qui se joue dans ces débats et ces pratiques.
  • En 2012, le ministre de la justice zambien, Wynter Kabimba, réitéra l’opposition de son pays envers les OGM, du fait de leurs effets secondaires sur l’environnement et la santé.
  • Mais la COMESA, persévérante, ne s’est pas arrêtée là. Sur le plan régional, ce sont développé de nouvelles régulations des échanges entre les États membres. Elles portent sur l’échange… de semences et facilitent l’accès aux semences dans les différents pays. Un programme soutenu à coup de millions de dollars aussi bien par l’Union européenne que par les organismes d’aides au développement américains. Des accords qui ne furent connus qu’au moment de leur signature, comme il convient dans tout bon système démocratique.
  • Une fois encore, les opposants zambiens ont repris leur baton de pèlerins. En mars 2013, ils soulignèrent au cours de leur rencontre les dangers que ces échanges entrainent pour les petits paysans, notamment dans leur lien aux semences traditionnelles et au partage des savoir-faire locaux. Sans parler des pertes de souveraineté et la création de monopoles dangereux. Du coup, devant le battage médiatique, le secrétaire général de la COMESA dû affirmer, contraint, que « la COMESA n’avait pas de politique sur les OGM ». Vraiment ?

En Afrique, d’autres pays ont été moins regardants. L’Afrique du Sud et l’Egypte ont accueilli sans souci les OGM. Monsanto et DuPont sont bien implantés en Afrique du Sud et controlent déjà tout le secteur de la production du maïs. Désormais, c’est Syngeta qui s’implante en Zambie, en prenant le controle de petites industries locales, pour vendre des produits chimiques et des semences non-transgéniques… en attendant mieux.

  • On voit que les opérations se poursuivent et tout tend à diminuer de plus en plus les régulations sur la production et les échanges de semence sur le continent africain. En 2011, le Forum de Davos poussait ainsi une « nouvelle vision de l’agriculture », soutenue par les 20 grandes entreprises mondiales de l’agroalimentaire qui des semences au supermaché, maitrisent toute la chaine de production alimentaire. Une « nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition » fut ainsi créée en 2012, avec les membres du G8, les pays africains… et beaucoup de ces sociétés privées (Archer Daniels Midland Company (ADM), BASF, Bayer, Bunge, Cargill, Coca-Cola, DuPont, Monsanto, Syngenta, Unilever, Wal-Mart, and Yara…). Des « corridors agricoles » doivent ainsi voir le jour, comme actuellement au Mozambique et en Tanzanie, facilitant aussi bien l’appropriation foncière des terres africaines et l’usage massif de semences OGM..

Ce qui est en jeu ici n’est donc pas simplement une question technique autour des OGM, mais bien plus profondément, une question de démocratie locale, bafouée de plus en plus par les intérêts de grands groupes industriels particulièrement influents sur les États. La Zambie tient bon pour l’heure, suivant les recommandations prudentes du Protocole de Carthagène, concernant les OGM. Mais pour combien de temps ?

DL – traduction et adaptation

Source : Ecojesuit, Bridget O’Connor and Paul Desmarais, SJ, +  Kasisi Agricultural Training Centre

Photo credit: naturalrevolution.org

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