Et si l’Amazonie nous parlait aussi de notre avenir à tous ? L’initiative du pape François, annonçant un synode à venir, sur ce « continent vert » est dans la ligne droite des intuitions de son encyclique, conjuguant luttes sociales et renouveau environnemental. E&E rassemble ici un certain nombre d’informations glanées depuis quelques temps sur cette question.
DES PAROLES et des INITIATIVES venues DU TERRAIN : On peut s’abonner notamment à l’intéressante lettre d’Amazonie
- Dans un communiqué du 21 novembre 2014, le Réseau ecclésial panamazonien (ou RePam) lance un cri d’alarme à propos de la vie en Amazonie. « Du fait de la déforestation, de la dévastation des terres, de l’anéantissement des cultures indigènes et de la violence, les conditions de vie en Amazonie sont de plus en plus difficiles et privent les populations de toute perspective d’avenir »
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Du 19 au 21 juin 2017, une rencontre en Norvège a permis d’officialiser l’initiative interreligieuse pour la forêt primaire. Des représentants religieux du monde entier avec ceux des populations indigènes ont lancé ce mouvement, une première dans la mobilisation pour protéger les forêts primaires du monde. Convoqué par l’Initiative norvégienne pour le climat et les forês (NICFI) et le programme de développement des Nations unies (PNUD) et le Forum des religions et écologie de l’université de Yale et quelques autres partenaires, dont le Conseil oecuménique des Eglises. D«Notre objectif – en concertation avec les responsables spirituels et autochtones rassemblés ici – est de définir un plan d’action commun afin de créer un mouvement populaire pour développer une volonté politique élargie et des mesures sur le terrain destinées à protéger les forêts tropicales humides, a expliqué l’évêque émérite Gunnar Stålsett, président honoraire de Religions for Peace. Il s’agit d’une initiative d’envergure mondiale. Toutefois, nous mettons particulièrement l’accent sur les responsables, les institutions et les réseaux religieux et autochtones dans les pays où les surfaces de forêts tropicales humides sont les plus importantes.»
Du 19 au 24 juin 2017. Des évêques de la région panamazone se sont retrouvés pour la 3e rencontre du réseau REPAM, à Leticia en Colombie, pour définir les stratégies les plus appropriées pour travailler ensemble au service de la protection de l’écosystème amazonien
- Le 28 juillet 2017, le REPAM a joint sa voix au concert de critiques déclenché par la décision, la semaine précédente, de Brasilia d’abroger le statut de réserve naturelle de près de quatre millions d’hectares de forêt amazonienne. Le décret présidentiel a mis fin à cette gigantesque réserve, de la taille du Danemark qui pourra être désormais exploitée par des entreprises minières, alors que jusqu’ici l’exploitation en était réservée aux compagnies publiques.
- On peut citer l’intervention du P. Alfredo Ferro Medina, jésuite et coordinateur du Service jésuite de la Panamazonie (SJPAM) de la Conférence des provinces d’Amérique latine et Caraïbes (CPAL) devant le groupe de travail « Environnement et justice économique » du Secrétariat pour l’éducation supérieure. 15-17 janvier 2018
- Témoignage de Mauricio Lopez Oropeza, secrétaire général du Pan-Amazonian Ecclesial Network, le 4 février 2018 dernier durant le rassemblement Catholic social ministry, à Washington (USA). Il y a souligné l’importance du bassin amazonien pour l’ensemble de l’écosystème mondial. Il a pris la parole avec le responsable de la tribu Kanamari (Brésil) et le coordinateur régional DHI du REPAM.
DES PAROLES et DES ACTES du PAPE FRANCOIS
- En juillet 2015 en Bolivie, le pape plaide pour un « changement réel » de l’économie, mettant l’accent notamment sur la nécessité d’une plus grande justice sociale. En juillet 2015 en Bolivie, celui que l’on surnomme le « pape des pauvres » s’est élevé contre un « modèle économique idolâtre qui a besoin de sacrifier des vies humaines sur l’autel de l’argent et de la rentabilité ». (Source La Croix /Claire Lesegretain)
- Durant son voyage en Colombie, du 6 au 11 septembre 2017, le pape s’est rendu à Villavicencio, capitale du département du Meta à 80 kilomètres sud de Bogota, pour lancer lancer un appel pour la protection de la nature. La ville, située à proximité de l’Amazonie, est menacée par l’exploitation des sols et la déforestation sauvage. Dans la droite ligne de son encyclique Laudato si’sur « la sauvegarde de la maison commune », en Amérique latine, il lie la défense de la planète à la lutte contre la misère.
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7 janvier 2018. Aux indiens indigènes du Chili, le pape a rappelé que la violence pour résister aux projets de contrôle de leurs terres (notamment dans la région sud d’Araucania, pour des projets miniers et de plantations) n’est pas le chemin, puisqu’elle risque de transformer une cause juste en un mensonge. « La violence appelle la violence et les destructions augmentent les divisions et les séparations. », a t-il rappelé devant 150 000 fidèles, dont des Mapuche, Rapanui, Aymara, Quechua, Atacameño etc. Il a comparé la violence à la lave d’un volcan éruptif qui détruit tout sur son passage, évoquant la destruction de six églises de la région par des groupes indigènes qui pensaient que le pape légitimait les privations de territoires en cours. Dans son homélie, le pape a rappelé que le lieu où se déroulait la messe avait aussi servi de centre de détention et de torture durant les années de la dictature militaire de Pinochet, offrant du coup la célébration à la mémoire de tous ceux qui ont souffert ici. Le pape a aussi évoqué le défi d’une société multiculturelle, qui vise l’unité mais sans l’uniformité.
- 19 janvier 2018 : Lors de son séjour au Pérou, le pape a dénoncé le « fléau social » de la corruption dans le pays qui demande une « culture de la transparence » pour pouvoir guérir contre ce virus social. Et les premières victimes de cette tragédie ? » Les pauvres et la mère terre”, a t-il souligné en dénonçant les projets aux “effets catastrophiques”, qui détruisent l’environnement et dégradent la vitalité environnementale et morale du pays. Le pape a rappelé le chemin de l’écologie intégrale, seule alternative à ce modèle de développement qui engendre dégradation environnementale et sociale. Le pape a rencontré près de 4000 autochtones dans une petite ville péruvienne, à la frontière du sud, véritable porte d’entrée en Amazonie. C’est là qu’il a vigoureusement dénoncerles pratiques des industries extractives dans cette région à la biodiversité la plus grande au monde, tout en étranglant la vie des 350 tribus locales.
Il a demandé qu’une grande partie de cette forêt soit mise sous protégée et sous le contrôle des populations indigènes. « Nous devons casser le vieux paradigme historique qui voit l’Amazonie comme une source infinie de biens pour d’autres pays sans se préoccuper des populations locales. (…) De grandes entreprises veulent avoir la main sur le pétrole, le gaz, les bois, l’or de l’Amazonie. Du coup, les populations locales n’ont probablement jamais été autant menacées sur leurs propres terres qu’actuellement. » Il dénonce aussi les politiques locales qui, « prétendent préserver la forêt mais qui engrangent d’immenses profits des forêts tout en oppressant les peuples locaux. » « Les peuples indigènes de l’Amazonie interpellent l’humanité entière et rappellent les conséquences du changement climatique, comme l’asséchement des terres, la perte de la biodiversité animale, la disparition des arbres, la mort des poissons et l’épuisement des sources d’eau potable. » Le pape a pris le temps aussi d’écouter les religieux et les délégués des populations, racontant les effets des permis miniers de plus en plus nombreux (plus de 8000 !) sans parler des 250 projets de barrages et les 20 projets de routes autorisés ces dernières années. Les populations indigènes péruviennes demandent que 50 millions d’acres soient protégées et laissés à la disposition de ces populations.Ce que le pape a validé, promettant des initiatives pour soutenir le projet et faire de ces communautés des « gardiens de la forêt primaire ». Le pape a souligné l’impact des émissions de CO2 sur les populations locales. « Vous êtes la mémoire vivante de la mission que Dieu a confié à tous : la protection de notre maison commune. » Le pape a aussi invité a protéger les populations indigènes qui ont choisi de rester isolées, étant « les plus vulnérables parmi les vulnérables. Ils ont choisi l’isolement dans les parties les plus éloignées de la forêt pour vivre libres. Leur présence nous rappelle que nous ne pouvons pas utiliser tous les biens communs comme nous le laisseraient entendre le consumérisme égoïste. Des limites doivent être posées qui peuvent nous aider à préserver de tout plans de destruction massive des habitats qui nous ont forgé.
- 19 et 20 janvier : première rencontre des évêques amazoniens autour du cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, en vue de préparer le Synode pan-amazonien d’octobre 2019. Il s’agissait de délégués des huit pays concernés par le Synode sur l’Amazoníe d’octobre 2019 (Bolivie, Brésil, Colombie, Équateur, Guyanne, Pérou, Surinam et Venezuela), ainsi que les délégués du Réseau ecclésial panamazonien (Repam), qui dépend du Conseil épiscopal latino-americain (Celam). Il s’agissait bien lien de la première réunion préparatoire pour le Synode sur l’Amazonie. Au cours de ces deux journées de travail, les évêques sont revenus sur la reconnaissance affirmée par le pape envers les indigènes d’Amazonie, considérés comme des « interlocuteurs de premier plan, riches de leur sagesse ancestrale et de leur diversité culturelle, et qui prennent soin de la maison commune ». Selon le cardinal brésilien Cláudio Hummes, président du Repam (et préfet émérite de la Congrégation pour le clergé depuis 2010), l’étape suivante sera l’élaboration des documents préparatoires – comme dans tout processus synodal – qui serviront à consulter les évêques amazoniens et leurs fidèles. (Source La Croix / Claire Lesegretain)
Des FIGURES PROPHETIQUES
Elles sont nombreuses, sur cette terre rouge, imbibée aussi du sang des militants, des opposants, des syndicalistes qui défendent les droits des populations indigènes, des petits paysans, des villages reculés. Beaucoup d’entre eux sont anonymes. Quelques figures de religieux/ses, plus connus, rappellent à tous les drames en cours sur place.
- On peut citer la religieuse américaine Dorothy Stang, dont un portrait a été ébauché par une vidéo de Net for God, (initié par le Chemin Neuf)
La Commission pastorale de la terre (CPT) au Brésil lutte aussi activement contre le travail esclave. Le dominicain français Xavier Plassat y est particulièrement engagé.
« Defenda seus direitos ! » (Défends tes droits). Ce slogan de la campagne brésilienne de lutte contre le travail esclave figure au verso de la carte de visite de Xavier Plassat. De fait, la vie de ce dynamique septuagénaire, dominicain français vivant au Brésil depuis 1989, se confond avec le combat contre le travail esclave pratiqué dans les fazendas de l’Amazonie brésilienne. « Des recruteurs, à la solde de grands propriétaires, promettent de l’argent aux paysans du Nordeste et les emmènent jusque dans la forêt amazonienne. Là, ils doivent déboiser ou entretenir d’immenses pâturages, en payant eux-mêmes leurs outils et leur nourriture, si bien qu’ils se retrouvent endettés jusqu’au cou. Ces travailleurs vivent dans des conditions déplorables, dormant sous des abris de fortune, buvant l’eau des ruisseaux, travaillant dans un climat de menace et d’humiliation. Sans possibilité de retour, ils sont obligés de rester dans la fazenda, et s’ils parviennent à s’échapper, des tueurs à gages les poursuivent », raconte d’un trait le dominicain. « Depuis 1995, plus de 52 000 personnes ont été libérées au Brésil, au rythme de 2 500 par an », se réjouit-il, en rappelant l’évidence d’une « foi qui se vérifie par les œuvres, dans la logique de Matthieu 25 : ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Mais ce que vise le dominicain est plus vaste. « L’esclavage est un système. Il faut en combattre les racines et éradiquer des mentalités brésiliennes l’idée que traiter des gens ainsi résulterait de particularités culturelles, que ça serait donc acceptable, voire normal », poursuit-il. Ce combat, commencé en Amazonie dans le secteur agricole, s’étend désormais à tout le pays et à tous les secteurs économiques. « Henri Burin des Roziers était jusqu’à il y a peu le dominicain le plus proche de moi, à 300 km d’Araguaina, petite ville où je vis, dans l’État de Tocantins, à la lisière de l’Amazonie. Nous nous téléphonions régulièrement pour nous donner des nouvelles, nous soutenir. Je suis venu pour ses obsèques à Paris. Henri montrait le chemin qu’il avait lui-même suivi : celui des grandes utopies de la liberté et de la foi incarnée, vécues de manière radicale pour la défense des plus pauvres. Comme Bartolomé de Las Casas, aux premières heures de la colonisation de l’Amérique. Pour son travail, il avait reçu prix et honneurs, mais cela n’avait rien retiré de son humilité. » (Source La Croix / Claire Lesegretain)
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Le frère Henri Burin des Roziers, mort en novembre 2017 à l’âge de 87 ans, a passé 35 ans au Brésil, contribuant à modifier les consciences et améliorer la vie de ceux qu’il a défendus. Il a travaillé avec Sœur Marie-Madeleine et sœur Béatrice, de la congrégation des sœurs de la Divine Providence de Saint-Jean-de-Bassel, au Brésil depuis cinquante ans, dans l’État du Tocantins, aux frontières de l’Amazonie. Il œuvre alors pour la commission pastorale de la terre (CPT), liée à l’Église catholique. L’acharnement du frère Henri, également avocat, a permis, au long de ses trente-cinq années au Brésil, à de nombreuses communautés du Tocantins et aussi du Para de légaliser leurs occupations : « Ils vivent aujourd’hui dignement de l’agriculture familiale », se félicite Sœur Marie-Madeleine. Une école et un campement de travailleurs du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) portent d’ailleurs son nom depuis 2010. Le frère Henri fait partie des instigateurs du « Forum national contre la violence dans les campagnes » en 1992, qui a réuni de nombreux procureurs, avocats et représentants de la société civile, et dont les travaux ont été « un embryon de la politique actuelle de la lutte contre le travail esclave », salue le frère Xavier. « Aujourd’hui, la violence et les assassinats existent toujours, mais ils sont devenus l’exception et non plus la règle, assure le père Ricardo. La persistance du frère Henri nous inspire en ces moments difficiles. » Le nombre d’assassinats dans les conflits liés à la terre est toutefois reparti à la hausse : 36 en 2014, 61 en 2016.Si le frère Henri est parvenu à « casser l’impunité » qui régnait, selon le père Ricardo, seuls 10 % des assassinats ont été suivi d’un jugement, ces trente dernières années. ‘(Source La Croix)
Le F. Peter Hugues, colomban, est un prêtre irlandais vivant depuis 50 ans comme missionnaire au Pérou. Il est intervenu récemment à la conférence annuelle Justice et Paix (21-23 juillet) en Grande Bretagne, à partir de son expérience auprès des plus pauvres, et en tant que conseiller de l’Institut Bartolomé de las Casas et du CELAM et REPAM
Bonjour !
Cet article m’a beaucoup intrigué car il est assez profond et vraiment réfléchi, je l’apprécie énormément !
Merci !