


EXTRAIT DE L’ENTRETIEN PARU DANS LA CROIX LE 12 AVRIL 2018
Où en est la réception de l’encyclique Laudato si’, près de trois ans après sa parution ? Avez-vous le sentiment que les catholiques se sont convertis à l’écologie ?
Mgr Yves Le Saux : L’un des domaines dans lesquels se perçoivent les effets du texte, c’est le dialogue avec le monde agricole. Le texte du pape constitue une base commune pour prendre de la distance et réfléchir aux pratiques. Il a permis de mettre autour d’une table des gens qui avaient auparavant du mal à se rencontrer.On voit aussi le changement au niveau individuel, même si cela reste modeste pour l’heure. Cette évolution se manifeste surtout chez ceux qui ont pris le temps de lire le texte et de réfléchir vraiment à ce à quoi il nous appelle, c’est-à-dire à un changement de mode de vie. Dans certaines paroisses aussi, les pratiques commencent à évoluer. Ce sont des petites choses concrètes, comme la gestion du chauffage ou des déchets. C’est de toute façon un processus à long terme, mais il est lancé.
Sur le plan des idées, l’écologie est une porte d’entrée vers les questions anthropologiques. Très vite, quand on s’intéresse à l’environnement, on est amené à s’interroger sur l’homme, sur sa place dans le monde. Et la question, au fond, est de savoir quelle société nous voulons pour l’avenir. Ce sont des réflexions qui peuvent être assez radicales, qui nous invitent notamment à revisiter nos modèles économiques.On trouvera toujours des climatosceptiques, ou certains qui jugeront que le pape est naïf, mais je crois que c’est vraiment marginal. Il y a une réelle prise de conscience que nous devons vivre autrement, avancer vers une sobriété heureuse, et que le bonheur n’est pas dans le tout-consommation. Maintenant, il faut aller jusqu’au bout de la logique, en adoptant aussi l’écologie humaine. Les débats actuels sur la bioéthique, par exemple, sont liés à ces questions.
L’évêque souligne aussi que le sujet de l’écologie peut permettre à des chrétiens de différentes sensibilités de se retrouver, partageant au final des préoccupations proches. Il note notamment que différentes communautés monastiques commencent à se mobiliser sur ces sujets. Du côté des évêques, selon lui, plusieurs sont bien mobilisés sur le sujet, soutenant des initiatives locales. Mais pour eux aussi, ils ne sont qu’ « au début d’un long processus. »
Par ailleurs, quand des initiatives viennent des fidèles, il faut aussi s’en réjouir. Dans l’Église, tout n’a pas à venir des évêques. D’autant qu’une consigne que donnerait un évêque, ou un discours théorique, ne serait pas forcément efficace. Ce qui compte, ce sont les interactions concrètes qui permettent de lancer des réflexions.