Dans une certaine discrétion, cette semaine se tient à Rome le séminaire préparatoire en vue du Synode sur l’Amazonie qui aura lieu en octobre prochain.
« Vers le Synode spécial pour Amazonie: dimension régionale et universelle ». Les présidents des conférences épiscopales de la région amazonienne mais aussi d’autres prélats et experts d’Amazonie et d’autres zones géographiques travaillent à partir de ce thème, pour réfléchir sur «la relation entre la situation ecclésiale particulière et l’environnement amazonien et d’autres contextes territoriaux similaires».
Rappelons que le synode sur l’Amazonie se déroulera du 6 au 27 octobre et réunira évêques et quelques laïcs du 6 au 27 octobre. Un moment fort pour évoquer les défis considérables qui se posent à cette région du monde si cruciale pour les équilibres planétaires. Sans oublier le défi humain: sur ce territoire tant convoité, vivent trois millions d’indigènes répartis en 390 peuples et nationalités distinctes.
Après une histoire missionnaire douloureuse dans les premiers temps, il s’agit de retourner désormais la perspective : en quoi cette « périphérie » essentielle du monde devient elle aussi un lieu prophétique pour l’Eglise universelle. Dessiner le « visage amazonien » de l’Eglise est un beau défi, comme un geste pour fort pour témoigner que la théologie de la libération et toutes les autres approches pastorales des décennies passées, devaient maintenant sortir de leur ornière pour proposer une « théologie indienne » a visée universelle.
Le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, souligne qu’à la suite de saint Paul, la vision de l’Eglise comme corps, oblige chacun à prendre soin des membres qui souffrent.
« Avec ses réalités spécifiques et sa dynamique complexe, l’Amazonie reste au centre du parcours synodal. Cependant, de nombreuses questions concernant principalement ce territoire touchent également d’autres régions de la planète. Considérons, par exemple, les problèmes écologiques, le bassin du Congo, les forêts tropicales de l’Asie-Pacifique ou le bassin aquifère du Guarani. »
Ce visage amazonien de l’Eglise est donc d’abord celui de populations autochtones vivant dans les zones de biodiversité cruciales et essentielles pour l’humanité toute entière. Des représentants viendront s’exprimer au cours de ce synode qui veut explorer » de nouvelles voies pour l’Église et pour une écologie intégrale». Le souci des populations locales est, de fait, aussi une manière très forte de contester une mondialisation marchande désincarnée, peu soucieuse des réalités locales.
Ce souci n’est plus désormais seulement celui d’une évangélisation par des éléments extérieurs, mais celui de l’animation de communautés elles mêmes par des démarches pastorales nouvelles. La place des laïcs, des femmes et d’autres réalités pastorales peuvent être abordées ici d’une manière pragmatique et prophétique.
Important aussi est d’aborder la nécessité d’un vrai respect des cultures locales, si nécessaire pour préserver la diversité culturelle humaine à travers le monde. Or, ces populations autochtones sont bien des réservoirs et des rappels vivants de cette réalité (cf. le texte du pape François à Puerto Maldonado (Pérou) en janvier 2018).
D’autre part, le souci de la « maison commune » s’exprime très clairement dans ces zones de biodiversité élevée puisqu’elles rappellent que le monde naturel n’est pas un réservoir de biens gratuits à piller, mais des « maisons communes » à respecter. Les défis du réchauffement climatique, des migrations qu’il induit, des violences sociales qu’il provoque et des catastrophes qui l’accompagnent sont autant de réalités à prendre en compte
« L’écologie intégrale – dans laquelle Dieu, l’homme et l’environnement sont pris en compte dans leur relation intime – remet en question toute la planète, car partout cette relation apparaît menacée. Les symptômes des points de rupture de cette relation sont le désengagement éthique du concept de développement, la vitesse du changement et de la dégradation, les catastrophes naturelles, les crises sociales et financières. Dans le domaine scientifique, il existe des études qui attribuent ces phénomènes naturels au réchauffement climatique progressif avec des conséquences tragiques et imminentes dès les prochaines décennies. En ce qui concerne la question autochtone et la cohabitation entre différentes populations, il s’agit de réalités socialement pertinentes qui intéressent tous les besoins du territoire et interrogent de façon croissante les autres régions de la planète. Cette considération fait partie du phénomène mondial des flux migratoires, qui représente actuellement l’une des grandes problématiques pour différents pays du monde. Dans ce contexte, le regard sur l’Amazone peut être un laboratoire prometteur de réflexion ecclésiale et sociale. » (cardinal Lorenzo Baldisseri)
A noter que le document préparatoire de ce synode a été approuvé le 13 avril dernier par le Conseil pré-synodal, (rendu public le 8 juin 2018). Composé de 18 membres nommés par le pape François, ce conseil est présidé par le cardinal brésilien Claudio Hummes, actuel président du Réseau ecclésial pan-amazonien (REPAM). Trois membres du REPAM ont d’ailleurs été reçus en audience par le pape François le 25 février 2019 au Vatican. Aux côtés du cardinal Hummes se tenaient Mgr Juan Carlos Barreto Barreto, évêque de Quibdó (Colombie), ainsi que Mauricio López Oropeza, secrétaire exécutif du REPAM.
DL