
Ça bouge aussi du côté des communautés protestantes évangéliques. Alors que beaucoup d’entre elles se réfugiaient il y a peu encore dans des formes de climato-scepticismes, la défense de l’environnement gagne du terrain comme en témoigne cette réflexion sur la permaculture.
Des études statistiques comparées menées aux États-Unis en 2014 et 2020 par le Pew Research Center ont mis à jour, en effet, cette perte d’influence de la pensée climatosceptique, souvent alimentée par la lecture fondamentaliste de la Bible, ne supportant donc pas l’idée que l’humain puisse « menacer » l’oeuvre de Création divine. D’autres théologies, très actives dans certains milieux protestants, envisagent la fin du monde comme un anéantissement cosmique dans un grand feu, réduisant ainsi les velléités à vouloir protéger à tout crin l’environnement.
Un article de David Métreau, de Christianisme aujourd’hui, montre que la crise du Covid a aussi changé le regard dans ces communautés, qui retrouvent, elles aussi le goût du jardin, de la résilience alimentaire etc. En voici quelques extraits
En mars dernier au cours d’un webinaire dédié aux « Joseph d’aujourd’hui et de demain », le mouvement de l’Ecole Buissonnière a permis d’aborder ces enjeux.Pour David Nadaud, son organisateur, formateur en permaculture, et auteur de Genèse de la permaculture; Dieu, la Terre, le mandat de l’homme (autoédition), plusieurs raisons devraient pousser les chrétiens à y jeter un œil: «La permaculture ne repose pas sur une liste de recettes à appliquer (même s’il y en a), mais sur une découverte du fonctionnement naturel de la Création et du soin à y porter.» Ainsi, fort de cette connaissance, le jardinier permaculteur va apprendre à travailler avec les modèles et les forces de la nature plutôt que de lutter contre elle. «Au travers de cet exercice», poursuit David Nadaud, «il pourra apprendre à redécouvrir le fait que notre monde n’est pas le simple produit du hasard, mais la conséquence d’un acte créateur divin, que la Création est merveilleuse et nous parle admirablement du Créateur.»
Le pasteur Eric Toumieux, qui avec son équipe a reverdi cent hectares de désert au Sénégal et nourrit une soixantaine de familles, abonde. «J’aime beaucoup cette façon d’évangéliser avec la beauté de la nature, la verdure, qui attire.» Dans sa vocation, il se dit fortement inspiré par l’écrivain, paysan et poète américain Wendell Berry, considéré par le New York Times comme «le prophète de l’Amérique rurale» et se décrivant lui-même comme une «personne qui prend l’Evangile au sérieux». «Il a beaucoup écrit sur notre déshumanisation progressive avec l’éloignement du sol», résume Eric Toumieux.
«Il y a regain d’intérêt pour le jardin, le jardinage, mais d’une manière différente. La permaculture a une approche respectueuse. Je ne peux qu’être d’accord. Il s’agit de retrouver les équilibres de la Création et peut-être ceux qui existaient dans le jardin d’Eden», déclare Jean-Michel Rey, entrepreneur social et coordinateur du groupe d’agriculteurs chrétiens Solidarité Paysans Romandie.
«Cette alliance est fissurée. L’Église peut contribuer à sa restauration. Des axes spirituels existent, tout aussi importants que la permaculture», assure-t-il. Cela passe selon lui par une proximité avec Dieu, une mise à son écoute, une repentance ciblée et une préparation à son appel. Le porte-parole de Solidarité Paysans Romandie se met à disposition des Églises pour présenter un culte complet sur cette alliance avec le Créateur mais aussi avec le cultivateur et le consommateur qui lui tient tant à cœur. «Nous vivons dans une société qui n’a globalement plus conscience de l’importance de l’alimentation pour nos besoins physiologiques, car nos activités sont centrées sur d’autres intérêts, mais il n’en a pas toujours été ainsi», souligne David Nadaud. (…) «Aujourd’hui, Dieu nous demande d’aller plus loin, à titre individuel et collectif, en œuvrant à augmenter la résilience alimentaire de nos territoires», pointe le père de deux enfants. Dans cette optique de résilience, la permaculture seule ne suffit pas, estime Jean-Michel Rey: «Le consommateur doit se rapprocher du producteur. D’autant plus que la permaculture, surtout pour ceux qui débutent, peut mettre plusieurs années avant d’être efficace.»
«(…) C’est aussi sa compréhension théologique qui guide Eric Toumieux à veiller à préserver la planète et ses habitants: «Je ne crois pas du tout à la théologie de l’anéantissement par le feu. A la fin de l’Histoire, je pense que c’est le nouvel Adam, le Christ, qui remet une terre cultivée, harmonieuse entre les mains du Père. Les chrétiens auront une mission de réparation de la Terre et de sa diversité.»
Source : Christianisme aujourd’hui