La rencontre de Rio+20 semble déjà être à des années-lumières alors qu’elle s’est tenue … il y a deux mois à peine. Pour ne pas « consommer » trop vite les évènements, retour sur un texte donné par Mgr Odilo Pedro Scherer, envoyé spécial du Saint-Siège à cette occasion, sur la question de l’agriculture et des sociétés durables. Une conférence donnée la 19 juin dernier. Extraits :
« Le droit à l’alimentation et à l’eau potable constitue deux droits humains parmi les plus fondamentaux et qui sont pourtant bien peu respectés dans tant de parties du monde. Des avancées scientifiques et technologiques ont certes rendu possible pour la communauté internationale de bénéficier de la générosité de la Création pour le bien de toute l’humanité, mais cependant des millions de personnes continuent de vivre sans ces droits essentiels. C’est une violation inacceptable des principes de la loi naturelle. Un ordre international plus efficace demande donc une solidarité plus grande et un respect plus élevé pour nos frères et sœurs, spécialement ceux qui vivent dans la nécessité. Les enfants qui meurent de faim ou de dysenteries sont nos enfants : ce n’est pas un problème localisé, mais une réalité qui interpelle la communauté internationale dans son ensemble à se rassembler pour assurer ces droits humains basiques.
(…) Pour répondre aux défis des ressources sociales à mobiliser, il est absolument nécessaire que les responsables franchissent une étape pour changer les causes structurales de l’insécurité alimentaire et promouvoir des investissements plus grands dans le développement de l’agriculture dans des pays pauvres. En augmentant et en rendant plus juste l’accès aux marchés et aux technologiques agricoles, telles que l’irrigation et le stockage efficace des biens récoltés, le transport des productions agricoles et l’élimination de programmes faussant les marchés, nous pouvons franchir un grand pas en avant pour assurer la sécurité alimentaire et éradiquer la pauvreté. Dans le développement de ces politiques, nous devons travailler en coopération, ce qui est cohérent avec le principe de subsidiarité, pour guider nos efforts à respecter les choix des communautés locales et leurs besoins. Ainsi l’agriculture, l’assistance au développement et les réformes agraires ne devraient pas être imposées du haut vers le bas mais doivent prendre en compte activement et en coopération avec les communautés locales.
Une des premières étapes à franchir pour une réforme agraire est de palier au peu de droits sur leurs terres et leurs propriétés qui sont laissés aux plus pauvres de la société. La concentration croissante des propriétés terriennes et de la production agricole par quelques uns représente un vrai défi moral pour les responsables politiques et sociaux : il faut engager ici des politiques qui permettent une réforme agraire équitable et juste à long-terme. En particulier, en investissant davantage auprès des fermes familiales et des petits propriétaires, ce qui permet de vraiment soutenir les familles et de promouvoir un avenir durable et à long terme pour l’agriculture.
(…)Partout, à travers le monde, les problèmes sociaux et écologiques appellent à un changement fondamental de nos modes de vie si nous voulons devenir de meilleurs gérants de la Création et une communauté économique internationale plus juste.
Les méthodes de production alimentaire demandent ainsi une analyse attentive pour assurer le droit à une alimentation suffisante, saine et nourrissante ainsi que l’accès à l’eau. Pour cela, il faut reconnaître les obligations qui sont les nôtres pour protéger l’environnement comme un héritage commun pour les générations d’aujourd’hui et de demain. Cela demande de rompre le cycle de la surconsommation /production / pauvreté / dégradation environnementale. Nous devons reconnaître que toutes les décisions économiques ont des implications morales qui exigent de chacun de nous que nous retrouvions les valeurs anciennes de sobriété, de tempérance et d’auto-discipline. Un monde où les riches consomment une proportion exagérée des ressources humaines et naturelles mondiales est un scandale et appelle à une volonté renouvelée pour devenir plus attentif sur notre interdépendance, comme habitants d’une même terre. (…)
Le texte se poursuit par une critique des programmes laissant entendre que la dégradation environnementale pourrait être conjurée par la diminution volontaire de la population mondiale. Derrière ces politiques, on discerne une « herméneutique du soupçon » qui altèrerait profondément la solidarité humaine : une telle idéologique mènerait à rompre les liens familiaux et à priver la planète de « sa ressource la plus fondamentale, la personne humaine qui est au cœur du développement durable. »
A noter aussi que le texte aborde prudemment la question du développement technologique du monde agricole, contestant les pratiques foncières de l’agriculture intensive et évitant soigneusement d’évoquer la question des OGM dont certains voudraient pourtant laisser croire qu’ils seraient « la » solution à l’insécurité alimentaire et aux crises de la pauvreté. Le silence du texte peut ainsi être entendu comme un démenti sur cette affirmation qui relève, on le comprend bien, d’une approche libérale et consumériste proche des modèles dominants des grands propriétaires terriens, si peu respectueux des droits humains des plus pauvres.
DL
Source : merci à Catherine qui m’a fait connaître le texte…
Adresse de l'article si vous désirez le faire connaître sur Internet : https://ecologyandchurches.wordpress.com/2012/09/04/lagriculture-familiale-pour-redonner-du-sens/#more-2734