Transition énergétique ou éthique ?

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213-2013-transition-energetiqueEn écho avec l’article récent sur les gaz de schiste, on peut citer ici l’éditorial de Jean-Pierre Denis dans le numéro du magazine La Vie du 17 juillet dernier…

Faut-il interdire l’« exploitation » du gaz de schiste ou aller jusqu’à proscrire l’« exploration », autrement dit la recherche sur les gisements et sur les techniques d’extraction ? François Hollande a choisi de renoncer à tout. Est-ce une bonne nouvelle ? Cela dépend de nos priorités. Si l’on veut, comme on le proclame par ailleurs, retrouver la croissance, enrayer la baisse du pouvoir d’achat, équilibrer notre commerce extérieur et assurer notre indépendance énergétique, il faut absolument agir sur le coût de l’énergie. Cela suppose de relancer le nucléaire, comme l’envisage le Japon, et d’exploiter les gaz de schiste, comme s’y emploient les États-Unis. Évidemment, si l’on pense à plus long terme – pollution des nappes phréatiques, saccage de l’environnement, risques collectifs majeurs… –, le courage serait d’y renoncer. Ou alors de démontrer que la voie alternative de la « transition énergétique » et de la « croissance écologique » peut réellement et rapidement être ouverte, choix budgétaires à la clé. Ce serait un grand et beau débat de société. Et même, pour employer une expression que l’on a beaucoup entendue cette année, un vrai « choix de civilisation ».

Cette semaine, l’Assemblée nationale devait autoriser la recherche sur l’embryon. Rien de plus éloigné en apparence que ces deux sujets. Et pourtant… Au-delà de la discussion connue – l’embryon, amas de cellules ou personne humaine ? –, les arguments échangés ne sont pas si éloignés. Quoique des solutions alternatives existent, on nous explique qu’il ne faut pas « entraver la recherche », de peur de prendre du retard sur la compétition internationale. C’est à peu près le discours moins-disant que tiennent les partisans de l’exploitation des gaz de schiste. Le « principe de précaution » serait-il ­applicable à la nature et pas à l’homme ? La « transition éthique » est-elle hors de notre portée face à la puissance d’un lobby médical qui n’est pas moins solidement armé que le lobby de l’énergie ? Et, d’un autre côté, la préoccupation bioéthique ne devrait-elle pas s’étendre à la protection de la biosphère, notre écosystème menacé de mort par asphyxie, avidité, aveuglement ? C’est tout le débat en cours autour de l’« écologie humaine ».

Nous n’arrivons pas à sortir du modèle de développement issu de la révolution industrielle du XIXe siècle puis de la société de consommation du XXe siècle. Jacques Ellul, le penseur protestant, avait posé le diagnostic dès 1977 dans le Système technicien. C’est la technoscience qui nous gouverne, et les démocraties ne se donnent sur elle que peu de prise. Or, la difficulté semble de plus en plus ardue, car la logique du « progrès à tout prix » inspire plus que jamais les pays émergents, de la Chine au Brésil. Nous voulons d’autant moins y renoncer que nous avons peur de précipiter notre déclassement dans la compétition mondiale, alors que montent chômage et pauvreté.

C’est pourtant bien le fantasme de la toute-puissance qui nous habite, tel que le relate le mythe biblique du péché originel. Bien évidemment, l’Ancien Testament ne nous offre pas de solutions simplistes, et surtout pas celle du refus des avancées de la connaissance. Mais il suggère que tout n’est pas dans le « croissez et multipliez » souvent cité. Le véritable enjeu pour les sociétés postindustrielles serait de se montrer capables de discerner leurs propres limites, y compris leurs limites symboliques, ce qui suppose évidemment d’en accepter le prix. Le plus grand drame de notre temps est peut-être notre incapacité à trouver un consensus autour de ces limites. Et, faute de consensus, de les repousser sans cesse en nous persuadant qu’il s’agit d’autant de victoires du progrès.

DL

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