La publication des fiches bleues sur la biodiversité par l’Antenne Environnement et Mode de vie de l’épiscopat français, fait réagir Arnaud et ses amis du réseau nantais. Paroles de chrétiens sur l’écologie. Pour profiter au mieux de leur analyse, voici leur texte.
- L’exposé de la biodiversité et des enjeux est remarquable, précis et concis. Traitant à la fois du temps long avec la 6e extinction, et du temps court avec l’action de l’Homme aujourd’hui.L’analyse et la description des trois niveaux de réponses est précise d’un point de vue institutionnel mais mériterait peut-être d’être complétée d’un point de vue scientifique. La note indique seulement que la biodiversité mondiale continue à se dégrader. On pourrait ajouter les conclusions du rapport de 22 scientifiques au niveau international publié dans la revue Nature de juin 2012 : sur la poursuite de la tendance actuelle, la biodiversité risquerait de s’effondrer à partir de 2025 (sans que l’on puisse prédire quand).
- Concernant les réponses de la société, la mise en place de la trame verte et bleue est une réelle avancée, mais attention, son efficacité dépend fortement des conditions de négociation au niveau local entre les projets d’urbanisme et les promoteurs de la trame. La note cite ensuite les mesures compensatoires en cas de destruction de milieux naturels sensibles. C’est là un thème très sensible, on le voit en particulier à l’occasion du projet de Notre-Dame-des-Landes où Vinci, appuyé par les pouvoirs publics, a avancé un projet de compensation basé sur des points d’équivalence qui, de l’avis même du comité d’experts nommé par le Préfet, détourne complètement la notion de préservation de la biodiversité (Rapport d’avril 213).
- Les difficultés pour une meilleure coopération entre « parties prenantes » sont très pertinentes (connaissance limitée des interactions entre espèces, règlementation complexe, incertitudes juridiques, absence d’une éthique partagée), mais la conclusion ne porte que sur les difficultés de communication entre acteurs. Peut-être faudrait-il ici citer les divergences d’intérêt économiques de ces acteurs. Entre des entreprises comme Monsanto et les paysans utilisant leurs graines, entre Rio Tinto et les paysans vivant dans les zones expropriées pour exploiter le cuivre ou d’autres minerais, entre le gouvernement chinois ou brésilien et les paysans expulsés pour laisser place à des barrages géants, sans parler des conflits sur notre propre sol liés aux lignes LGV, à un projet d’aéroport ou à un projet de zone commerciale géante… Il ne s’agit pas là seulement de communication mais de choix politique, de modèle de développement.
- La place des chrétiens : L’insuffisance de la loi pour régler ces problèmes, et la nécessaire implication de raisons d’ordre éthiques, spirituelles… pose bien le problème. C’est un engagement à tous les niveaux de la société dont nous avons besoin, avec l’appui des Eglises. Si les enjeux de la biodiversité sont principalement situés dans des zones culturellement chrétiennes, c’est sans doute que le mode de développement de ces sociétés est différent des autres. Il est effectivement très important d’en conclure qu’il est important que les stratégies de conservation de la biodiversité trouvent des arguments pour impliquer ces confessions chrétiennes. Nous avons une responsabilité spécifique.Mais si cet engagement doit reposer sur les trois piliers du développement durable, nous craignons qu’il n’aille pas très loin. Le développement durable, un oxymore, a été promu pour contrer la remise en cause de la croissance sans fin initiée à la fin des années 1960. La question n‘est pas l’équilibre entre ces trois piliers mais les interrelations entre eux, ou mieux les relations d’inclusion. Une autre conception serait de considérer que l’économie est inclue (encastrée selon Karl Polanyi) dans le social, et que celui-ci est inclus dans la dimension environnementale (ce que confirmeraient sans doute les compagnies d’assurance), dans une vision écocentrée de la Création.Enfin la référence à l’encyclique « Caritas in Veritate » pour définir des critères d’action, dialogue, subsidiarité et gouvernance, met bien en évidence à la fois l’intérêt et les limites de ces critères. Qu’il y ait besoin d’amélioration du dialogue local entre les acteurs de la société est indubitable, mais à condition que cela se fasse dans le respect strict des contraintes environnementales édictées à un niveau plus large. Les enjeux environnementaux dépassent les enjeux locaux à la fois dans l’espace et dans le temps. Même la subsidiarité devrait s’y conformer, et la souplesse de la gouvernance ne peut pas être un moyen d’y échapper.