Je profite de l’été pour publier quelques articles en retard. Par exemple, celui-ci sur la naissance, il y a déjà quelques mois du label Eglise verte. Sur le site Reporterre, Marco Morosini, professeur en politique de l’environnement à l’École polytechnique fédérale de Zurich et auteur l’auteur d’un manuel sur les systèmes d’indicateurs de développement soutenable, partage ses réflexions.
« L’écologie ne m’intéressait pas. Je me suis trouvée avec l’encyclique Laudato Si’ entre les mains presque par hasard. Pourtant, après une année d’initiatives dans ma paroisse pour étudier et mettre en œuvre cette encyclique, j’ai changé beaucoup de choses dans ma relation avec les biens matériels. Maintenant, j’évite d’acheter de nouveaux objets s’ils ne sont pas absolument nécessaires. J’ai arrêté de partir en vacances en avion. On peut être aussi heureux dans de nombreux lieux agréables et plus proches. » Voilà le témoignage d’Anne-Sophie, exprimé à Paris le samedi 16 septembre lors de la présentation d’Église verte, un nouveau label qui mesure et stimule la qualité de la gestion environnementale des paroisses et d’autres institutions religieuses. Cet outil s’adresse aux communautés chrétiennes en France qui veulent devenir plus écologiques : paroisses, églises, couvents, monastères, maisons, lieux d’enseignement, lieux de soins. Par exemple, la discussion de l’engagement face aux problèmes environnementaux dans un groupe d’étude sur l’encyclique Laudato Si’ est l’une des douzaines d’activités proposées par le label Église verte. La Conférence des évêques, la Fédération protestante et l’Assemblée des évêques orthodoxes sont les promoteurs de ce label français.
Lors de la réunion de Paris, dans un temple plein « au-delà des espérances », certains orateurs se sont réjouis que quelques paroisses aient déjà commencé à combler le retard que les Églises chrétiennes ont dans la mise en pratique de changements écologiques dans la gestion de leur patrimoine et dans leurs comportements, changements adoptés de plus longue date dans certaines entreprises et dans bien des collectivités locales. En Europe, par exemple, des milliers d’entreprises surveillent leur progrès écologiques et sociaux en utilisant des systèmes uniformes d’indicateurs. Ces mesures de leurs comportements grâce à un système établi de mesures rigoureuses et périodiques sont un stimulant pour découvrir de nouveaux champs d’interventions et pour améliorer leurs résultats année après année.
Les paroisses sont invitées à remplir un « écodiagnostic »
En fait, les Églises chrétiennes vivent un paradoxe : d’une part l’engagement éthique est au cœur de leur mission (l’amour du prochain est le commandement suprême selon Jésus), d’autre part dans les paroisses les pratiques écologiques sont encore rares. Également absents des Églises sont les outils cognitifs et opérationnels pour introduire ou améliorer les pratiques écologiques déjà répandues ailleurs. Par exemple, plusieurs des principales universités de dizaines de pays utilisent depuis des années des indicateurs environnementaux pour évaluer leurs structures matérielles et leurs activités. Ne serait-il donc pas bénéfique que les Églises fassent de même, étant donné l’importance de leur patrimoine (la France compte 70.000 clochers) et le grand nombre de personnes qui y travaillent et l’encore plus grand nombre de leurs fidèles ? (On évalue en France à 5 millions le nombre de pratiquants réguliers). En Europe et ailleurs, on a commencé à mettre à point des systèmes de diagnostic, de suivi et de stimulation de la qualité de la gestion environnementale des institutions religieuses qui commencent à être utilisés dans des centaines d’établissements : au Royaume-Uni, le système Ecochurch, en Allemagne, le système Grüner Gockel (Coq vert), en Suisse, le système Coq vert/Gruener Gueggel. Le nouveau système de label écologique Église verte vient d’être mis en ligne et s’inspire du système Ecochurch du Royaume-Uni. Dans un formulaire à remplir chaque année, 84 questions sont posées, divisées en cinq domaines : la liturgie et la catéchèse, les bâtiments et les terrains, l’engagement local et mondial, les modes de vie et consommations. Les paroisses sont invitées à remplir cet « écodiagnostic ». Chaque réponse génère un certain nombre de points, dont la somme donne un score final. « On mesure ce qui est important, et ce qu’on mesure devient important. » Voilà la devise écrite il y a des années au début du système des indicateurs de développement durable des Nations unies. Aussi les Églises chrétiennes pourraient adopter cette devise et ainsi accélérer la mise en pratique de la « conversion écologique » si fortement prônée par l’encyclique du pape François parue en 2015 et inspirée d’une prière de saint François d’Assises, Laudato Si’. Comme l’a dit avec insistance Txetx Etcheverry (un des fondateurs d’Alternatiba) en ouverture de cette journée : « Les quelques années qui viennent seront déterminantes, la question climatique (mère de toutes les batailles) ne se jouera qu’une fois ! »