L’ONG CCFD-Terre solidaire s’inquiète, dans un récent article, de l’élection du nouveau président brésilien Jair Bolsonaro, qui vient déjà d’annoncer le transfert de la responsabilité de la démarcation des terres indigènes au ministère de l’Agriculture, très favorable à l’agrobusiness. De quoi alerter encore plus les communautés indigènes et les défenseurs de l’environnement.
L’ONG donne la parole à Mgr Roque Paloshi, archevêque de Porto Velho, et président du CIMI, l’organisme de l’Eglise catholique mandaté pour travailler avec les Amérindiens. Un organisme qui forme de nombreux interlocuteurs, bien formés à l’anthropologie et aux langues des nombreuses ethnies existantes pour des actions dans les communautés indigènes. Extraits de l’entretien
Que signifie la décision de Jair Bolsonaro de confier la démarcation des terres indigènes au Ministère de l’Agriculture ?
Cette décision confirme nos craintes concernant le nouveau président et son gouvernement : Ils veulent livrer les terres indigènes aux monocultures, à l’exploitation minière et à de grands projets de construction civile.
Nous voulons garder cependant une certaine tranquillité. Car cette question de la démarcation des terres indigènes relève de la Constitution du 5 octobre 1988, et plus particulièrement des articles 231 et 232 reconnaissant les droits de ces peuples natifs, leurs cultures, leurs traditions et leur spiritualité. Or, lors de son investiture, le nouveau Président a juré qu’il allait respecter la Constitution de 1988.Vous attendez-vous à une réaction des peuples indigènes du Brésil ?
Je pense que les peuples indigènes vont se mobiliser pour demander à ce que le nouveau président revienne sur cette décision. La gestion de la démarcation des terres a toujours été confiée à la Fondation Nationale de l’Indien (Funai), rattachée au Ministère de la Justice. Mais tout cela est malheureusement dans la continuité de ce qui se passe depuis plusieurs années déjà. La Funai a été en effet progressivement démantelée et les procédures d’attributions de terres aux peuples indigènes rendues toujours plus complexes.
En quoi l’attribution des terres indigènes au Ministre de l’Agriculture constitue-t-elle un danger pour l’environnement ?
Tereza Cristina, la nouvelle Ministre de l’Agriculture, était jusqu’à présent la présidente de la « Bancada Ruralista ». Ce puissant groupe parlementaire représente les intérêts des grands propriétaires terriens et de l’agrobusiness. Pour eux, la logique économique est basée sur une exploitation maximale des ressources naturelles. En tant que chrétien, je veux croire au respect du droit des indigènes à vivre sur leurs terres. Il en va aussi de la protection de l’environnement. Car tout le monde, y compris le nouveau gouvernement, admet que les terres les mieux préservées sont celles où vivent les populations indigènes. (…)
INFOS SUPPLEMENTAIRES
La Funai, une garantie pour les droits des indiens
La Fondation nationale de l’Indien (Funai) a été créée en décembre 1967. Elle a pour mission de « protéger et promouvoir les droits des peuples indigènes ». Parmi ses attributions figurent également l’identification des peuples isolés ou récemment contactés, les politiques de développement durable pour les populations indigènes et le contrôle des impacts environnementaux sur les terres indigènes.
D’après le recensement (2010) de l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE), le Brésil compte 817 963 indigènes (0,44 % de la population), répartis en 305 peuples s’exprimant en 274 langues. Le pays compte 462 terres indigènes, représentant 12,2% du territoire national. Seulement 8% de ces terres sont aujourd’hui régularisées. La majeure partie d’entre elles se trouve en Amazonie.