AGRICULTEUR – Des hommes et des femmes pour une terre

La Parthenaise.jpgAgnès Sion est agricultrice. Elle écrit aussi, en racontant la vie des hommes et des femmes qu’elle rencontre autour d’elle. Une belle plume à découvrir. Voici l’un de ces récits.

En 1990 Marie et René s’installent en EARL (Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée) à Fercé en Loire- Atlantique, avec six vaches de race Parthenaise et 50 000 litres de quota lait en vente directe. Leur objectif est simple, « avoir un espace à nous et être heureux ». Le couple est ensuite confronté à la réalité « sur l’étude économique, ça marchait, sur le terrain c’était un travail énorme ». Le quota vente directe est transformé en vente à la laiterie ; en parallèle Marie et René créent un lieu de vie pour accueillir des jeunes en difficultés.

« Cela nous faisait vivre mieux que la production agricole ».

En 2000 le couple se lance en vache allaitante, monte un premier bâtiment, agrandit la surface, augmente le cheptel. Mais Marie ne s’y retrouve plus. Elle reprend des études et obtient le diplôme d’art-thérapeute.

« J’ai suivi ce que disait mon cœur, mais la réalité de l’emploi est difficile dans le secteur ».

Sur la ferme, Paul leur fils entre comme salarié en 2012, puis René tombe gravement malade. Le passage en bio se fait alors que René est encore en soin. En 2017, René sort de l’EARL

« il fallait que je m’efface pour que mon fils prenne sa place ».

Aujourd’hui Marie est également sortie de l’EARL, elle est art-thérapeute salariée dans une ADMR, créant en parallèle sur son lieu de vie, la maison Raphaëlle, agréée par le département, qui accueille à la journée des personnes âgées ou des adultes handicapés.

« Ces personnes trouvent un apaisement dans l’environnement de la ferme».

Lorsqu’il fait un retour sur le passé, René rend volontiers hommage à son épouse et à travers elle, à toutes les conjointes d’exploitant. Son rôle de président du syndicat de la race Parthenaise lui faisant rencontrer beaucoup d’agriculteurs, il constate :

« Les femmes sont souvent partie prenante de la ferme, elles s’investissent physiquement dans l’exploitation, elles font la traite par exemple, elles veulent que l’entreprise marche.  Quand elles rentrent à la maison, il y a les enfants, les lessives, elles préparent à manger, elles font la compta, la gestion de la ferme. Et pourtant, c’est l’homme qui est valorisé tout le temps. Lui s’occupe du matériel agricole, avec le côté macho qui va avec, il a les contacts avec les autres agriculteurs, c’est lui qui est connu, il a la partie belle. Sa femme on n’en parle jamais ».

Mais se souvient-il,

« Marie était avec moi à trois heures du matin, au moment des vêlages pour passer sa main, son bras et dire si le veau s’engageait ou non » et continue-t-il « aujourd’hui, je vois beaucoup d’agriculteurs dont la femme est partie, sans elle c’est la catastrophe ».

Il déplore que beaucoup de femmes en agriculture vieillissent avant l’âge, qu’on ne les sente pas épanouies.

« C’est la femme la pierre d’angle de l’édifice, et pourtant beaucoup d’entre elles souffrent, ce n’est quand même pas normal ».

« C’est vrai que les femmes sont souvent au second plan » acquiesce Marie, « mais je n’aurais pas été présente, rien n’aurait été. J’ai permis des mises en route de projets, des prises de décisions ». « Toujours au bon moment » glisse René. « Ce faisant, on arrive vraiment à l’accomplissement de soi, même si je n’ai pas encore le sentiment d’avoir abouti. Peut-être qu’aboutir aujourd’hui, c’est aller plus vers la profondeur de moi-même, c’est à dire vers le Christ», rajoute celle qui a souvent eu le sentiment d’être un trait d’union entre le désir profond du couple et la réalité de tous les jours, dans une recherche de cohérence que l’on sent constante. « Souvent les choses on les entend, mais on ne les écoute pas en profondeur. Et puis, on voudrait savoir exactement où on va. Aujourd’hui je dirai, partons de notre ici et maintenant et mettons-le sous le regard du Seigneur. Souvent la voie n’est pas loin, après, il faut oser ».

Si dans le regard des Vignon plane encore une ombre de l’adversité du départ et des chaos du chemin, leurs paroles sont sereines, porteuses d’espérance. L’avenir se dessine, renouvelé.

Au sujet du passage au bio, initié par sa femme et son fils alors qu’il était malade, René est direct :

« La conversion, c’est de comprendre que c’est parce qu’il y a un sol qu’il y a une production. Et que c’est le terroir qui nourrit le troupeau. Cela nous apprend à faire avec ce que l’on a, à travailler avec son sol, son pH, son humus, son troupeau et non pas toujours amener des engrais qui finissent par tuer le sol. Le bio, cela faisait longtemps que j’y pensais, mais les techniciens nous disaient qu’on n’y arriverait pas, que pour la Parthenaise qui est une race haut de gamme, on ne pouvait pas se passer de l’aliment de finition. Je n’arrivais pas à faire le pas, je m’en suis rendu malade ». Et de rajouter, passant sans transition de l’aspect technique au volet spirituel : « Il m’était demandé de comprendre que je suis là, sur cette terre que Dieu m’a donnée, non pas pour ma gloire, mais pour la gloire du Christ ressuscité, qui fait germer des choses dans le désert. Lorsque je vois l’exploitation aujourd’hui, je pense à cette parole de la Bible : ‘De son sein jailliront des fleuves d’eau vive’ (Jn 7,38) ».

Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. MACK Odile dit :

    bonjour,
    voilà le 2ème récit d’Agnès SION. sont-ils tirés d’un livre? d’un blog?
    je n’ai pas trouvé sur internet. pourrais-je avoir plus de renseignement?
    en vous remerciant.
    Odile MACK
    chargée de mission à la mission en monde rural de la CEF

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