
Maxime de Rostolan raconte dans un article sur Facebook l’histoire de la rencontre à Rome avec le pape. Il publie pour l’occasion aussi le texte qui leur a été donné avant que le pape n’improvise quelques propos.
Papoter avec le Pape. Pas banal comme histoire mais nos chemins, différents, nous ont menés à Rome.Il y a quelques années, un ami d’enfance très engagé dans l’Église, que j’avais pour ma part quittée dès l’adolescence, m’a recontacté en expliquant qu’il avait été touché par la grâce de l’écologie. Après plusieurs rencontres, notamment à la Conférence des Évêques à Lourdes, il a réussi à nous négocier une audience privée avec le Pape François.L’occasion de me plonger dans l’encyclique, ‘Laudato Si’, publiée par le Pape en juin 2015 avant la COP21, « pour mettre la pression » comme il nous l’a confié aujourd’hui. En toute franchise, je ne connais pas beaucoup de texte plus clair, précis, radical, sur l’état de la planète, la systémique des crises qui nous frappent et l’incapacité des institutions politiques à y répondre. Je ne peux que vous en recommander sa lecture, et de l’offrir à vos proches catholiques, si vous en avez comme moi, qui ne comprennent pas trop le lien entre le social et l’environnement, entre la charité et la nature. (Vous pouvez aussi l’offrir aux non-croyants, ça les remuera aussi).La lourde charge me fut confiée de constituer une petite équipe pour cet entretien sous les ors du Vatican, et je suis très fier d’avoir réuni pour cette aventure pas banale des amis engagés, passionnants, déterminés. Pablo Servigne, dont la lecture des événements résonne évidemment avec l’apocalypse des textes sacrés, Valérie Cabanes et son combat indispensable pour la reconnaissance juridique internationale du crime d’écocide, Gaël Giraud, prêtre jésuite et brillant économiste, Juliette Binoche qui se mobilise depuis des années pour provoquer le changement et ambassadrice de circonstance pour l’artemisia, Helene Le Teno avec qui je travaille et qui m’inspire depuis bien longtemps et Audrey Pulvar, récemment arrivée à la mairie de Paris pour s’occuper des enjeux d’alimentation.L’équipée comptait également ma femme Elena et une délégation de fidèles : Mgr.Eric de Moulins Beaufort, archevêque de Reims, Laurent Landete, directeur du collège des Bernardins, Elena Lasida, responsable de l’écologie à la Conference des Évêques de France, Jean-Pierre Denis, poète et journaliste, Damien Node-Langlois, de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, Aurélien Gonthier, agriculteur du Loiret en quête de sens et Xavier Houot, responsable d’une grande entreprise.Le tout, donc, organisé de main de maître par mon ami Raphaël Cornu-Thenard, architecte et fondateur de plusieurs associations cathos..N’ayant pas pris l’avion moi-même depuis 6 ans, le deal pour se joindre à l’aventure était de faire route ensemble, en minibus depuis Nice : 3 jours et 3 nuits pour partager et prendre le temps.Accueillis à Rome à la Trinité des Monts, monastère exceptionnel sur une colline dominant la ville, nous avons eu l’immense plaisir d’y entendre une messe célébrée par Gaël Giraud.Ce matin, enfin, les autres ont pris le minibus…et moi le métro pour aller chercher un olivier, arbre de paix à offrir au Pape, chez un pépiniériste.Après avoir porté la bête 2km jusqu’à la place Saint-Pierre, ma chemise accusait un peu le coup et seul un miracle (ou les 30 minutes d’attente) me permirent de ne pas arriver dégoulinant devant le Saint-Père. Atmosphère impressionnante, délégation suspendue au moment unique que nous étions en train de vivre. Derniers ajustements protocolaires, et nous voilà face au souverain pontife qui prend le temps de nous saluer un à un. Une présence vraie, attentive, douce. Raphaël expliqua pourquoi nous étions là, affirma l’importance que les fidèles de l’Eglise se joignent au mouvement climat et de créer des passerelles, ou des ponts, entre les différentes communautés de tous horizons.Le Pape Francois avait prévu de prononcer un discours, que je vous partage dans les photos. Mais il dit soudainement que « l’écologie, c’est aussi de ne pas perdre de temps ; alors comme vous avez déjà le texte officiel entre les mains, je n’ai pas besoin de le lire et préfère parler spontanément ».On ne devient pas Pape pour rien : une parole libre, alignée, juste, sage pendant 30 minutes. Pour nous raconter sa conversion écologique car, aussi fou que cela puisse paraître, l’auteur de ‘Laudato Si’ ne comprenait rien à l’écologie 10 ans avant de l’écrire. Il nous partagea sa rencontre avec les chefs indigènes d’Amazonie, emplis d’intelligence mais surtout de sagesse qui respiraient le buen vivir.Il expliqua combien il était impossible de prétendre goûter à cette harmonie sans conjuguer les langages de la tête, du coeur et du faire.Il conclut en filant une métaphore arboricole autour des racines pour illustrer la nécessité de parler entre les générations, ‘dans le canoë, les vieux dirigent et les jeunes pagaient’.Voyant l’heure tourner, il nous a confessé que sa mission n’était pas facile, et nous a demandé de prier pour lui, regrettant de ne pouvoir prolonger l’entretien.
Quelques citations grattées au cours de son allocution.
« Nous avons perdu la sagesse par trop d’intelligence. Nous avons une trop grosse tête.Nous avons perdu l’harmonie des 3 langages, celui de la tête, celui du cœur, celui du faire….l’harmonie de la sagesse.C’est la disharmonie de la spécialisation. Il faut des spécialistes, mais qui doivent s’enraciner dans la sagesse. Les spécialistes sans sagesse sont des robots. L’intelligence artificielle pourra peut-être tout faire, mais une chose qu’elle ne pourra pas avoir, c’est la tendresse. La tendresse, c’est comme l’espérance, ce sont des vertus humbles, qui caressent, qui n’affirment pas.Dans notre conversion écologique, il fait travailler sur notre tendresse, il faut caresser.Tout est lié. Nous avons perdu le sens de la corrélation. Le sens des racines. Quand un peuple perd le sens des racines, il perd son identité. Il faut cultiver les racines pour qu’il y ait de bons fruits. Si un jeune n’a pas de relations avec ses aînés, ses grands-parents, il ne pourra pas avancer.



