
Sur le plateau de Saclay, au sud de Paris, un campus scientifique se développe à toute vitesse. Les diocèses d’ïle de France et les jésuites vont y construire aussi le futur centre spirituel Teilhard de Chardin pour faire dialoguer science et foi. Et l’écologie ?
Une prochaine conférence permettra de faire mieux connaissance avec ce jésuite scientifique qui a renouvelé la perception de cette relation entre le monde scientifique moderne et l’expérience chrétienne, le P. Teilhard de Chardin

Récemment, le P. Dominique Degoul (jésuite), le futur directeur du Centre, évoque le projet de ce centre dans Paris Notre-Dame.
Paris Notre-Dame – D’où est née l’idée de ce centre, qui se veut un espace de dialogue entre les sciences, la technologie et la spiritualité ? Dominique Degoul –Il est né il y a de nombreuses années, quand l’État a décidé de faire un grand centre scientifique sur le plateau de Saclay (Essonne). Il y a 25 ans, il y avait trois écoles sur ce plateau : Supélec, Polytechnique et HEC. Depuis, beaucoup d’écoles les ont rejointes : l’École normale supérieure, AgroParisTech bientôt… Supélec a fusionné avec Centrale. Du côté de Polytechnique, sont arrivés SupOptique, l’ENSAE, l’ENSTA et TélécomParis … Le nombre d’étudiants a quadruplé. A cela s’ajoute des regroupements institutionnels, certaines écoles ayant décidé de s’unir afin d’affronter la concurrence internationale. Voilà pour le contexte. Quand l’Église a réalisé cela, elle s’est dit qu’il fallait qu’elle soit présente au milieu de ce monde universitaire en plein développement. Un peu à l’image de ce qui existait déjà à la Défense, avec N.-D. de Pentecôte (Hauts-de-Seine). La vocation du centre sera d’abord pastorale, avec l’accueil des aumôneries d’étudiants qui, pour certaines, sont aujourd’hui mal logées, et de la pastorale locale, car des familles commencent à s’installer – ce dont témoigne la construction récente d’ une école primaire à proximité. Il y aura ensuite un aspect formation chrétienne. Nous voulons proposer, à la fois aux étudiants et aux chercheurs qui vont travailler ici, des formations diverses : lecture biblique, apprentissage de la prière, etc. Enfin nous souhaitons que le Centre Teilhard soit un lieu de réflexion sur les évolutions scientifiques contemporaines. Certains changements technologiques ont des conséquences éthiques, anthropologiques et sociétales très profondes, sur lesquelles personne n’a encore les idées claires, pas plus l’Église que les autres. Il est nécessaire de pouvoir mener une réflexion là-dessus conjointement avec les professionnels de ces domaines.
P.N.-D. – En quoi cette présence chrétienne peut accompagner le monde universitaire ?
D. –Cela fait partie de la mission de l’Église que d’aider à penser les conséquences de l’évolution scientifique. A la différence de la bioéthique, sur laquelle l’Église a une réflexion claire sur ce qui est acceptable ou pas, certains champs sont encore inexplorés. C’est le cas par exemple de l’intelligence artificielle, où certaines idées, spontanément, nous semblent attirantes, alors que d’autres nous font peur. Mais de là à être capable de formuler un jugement éthique cohérent, qui ne soit pas seulement notre réaction instinctive, nous en sommes encore loin. Or les traditions philosophique, éthique, et spirituelle chrétienne peuvent apporter beaucoup à la réflexion, même si elles n’ont pas la réponse à toutes les questions. Ce lieu sera ouvert à toutes les personnes, chercheurs, patrons de laboratoires, industriels, qui ressentent le besoin ou l’intérêt de réfléchir d’un point de vue éthique à ce qu’ils font.
Reste une question redoutable pour un centre qui se réclame aussi de l’écologie intégrale du pape François : ce centre interroge-t-il le développement de ce campus sur des terres agricoles parmi les meilleures de l’Ile-de-France ? Deviendra-t-il un lieu de réflexion sur l’éthique d’une écologie intégrale qui prend bien en compte toutes les dimensions quand on veut « habiter » un lieu ?