ECONOMIE – La démocratie idéologique et le brouillard financier

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Une rencontre impromptue comme les aime le pape François. Il y a quelques jours, il a pris le temps de recevoir quelques jeunes Français venus lui parler d’économie.

L’initiative est venue de Pierre Larrouturou, rapporteur général du budget pour le Parlement européen. Un homme engagé qui a fait, il y a quelques semaines à peine, une longue grève de la faim de 18 jours pour forcer les instances européennes à ouvrir le débat sur une future taxe sur la spéculation financière. Hélas, malade, il n’a pas pu allé finalement à la rencontre. C’est son conseiller, Michel Cermak, qui, entouré de Cyril Dion – qui a lancé la Convention citoyenne pour le climat, d’Eva Sadou, du mouvement Impact France et de Samuel Grzybowski du mouvement Coexister, qui a finalement obtenu cet entretien

En voici le compte rendu qu’ils en ont fait eux mêmes.


 » L’échange a d’abord porté sur le financement de la transition écologique à travers la
rénovation énergétique ainsi que la possible TTF (Taxe sur le Transactions Financières) en
négociation en ce moment au niveau européen. Michel Cermak a explicité le but de cette
taxe qui pourrait permettre de financer la rénovation thermique des bâtiments et accélérer la
transition écologique en Europe. Comment accepter d’entendre qu’il n’y aurait pas d’argent
pour une loi climat à la hauteur de l’urgence et qu’une toute petite taxe sur la spéculation
rapporterait plus de 50 milliards € par an ?. Le signal donné par le Pape lorsqu’il accepte si
rapidement de recevoir Pierre Larrouturou au sujet de cette taxe devrait donner aux
dirigeants européens le courage d’écouter leurs peuples et d’agir.
Les quatre invités déplorent par ailleurs la communication du Vatican sur le refus d’accorder
une bénédiction pour les unions homosexuelles, même si l’entretien n’a pas porté sur cette
question. Cette décision envoie un très mauvais signal à un moment où l’homophobie tue
encore en France et partout dans le monde.
La conversation s’est structurée autour du témoignage des trois jeunes. Cyril Dion a relaté
l’expérience de la Convention Citoyenne depuis ses racines liées au mouvement des Gilets
Jaunes, jusqu’aux propositions des citoyens amoindries par l’influence des lobbys
économiques. “Et particulièrement de la finance” a ajouté le Pape. Justement, Eva Sadoun
a présenté les travaux du Mouvement Impact France sur le plan de relance et le
renouvellement des indicateurs à travers le travail sur l’index social et écologique et le rôle
de Lita.co et Rift, ses entreprises sociales, dans la réinvention du système financier et des
règles d’investissement. Samuel Grzybowski a conclu en montrant comment son
engagement à Coexister lui a fait prendre conscience qu’il n’y avait pas de paix sans justice.
Ainsi la Rencontre des Justices, lancée cet été, est venue répondre au besoin des jeunes
entrepreneurs et militants de mettre en commun leurs revendications à travers un plaidoyer
commun. Ils lui ont remis personnellement les 30 objectifs des Justices publiés le 8
décembre par la RDJ. Le rapport est venu s’ajouter au film Demain que Cyril Dion lui a offert
en entrant dans son bureau.

En réaction aux différentes interventions des quatres invités, le Pape François a réagi avec
des mots très forts sur chacune des thématiques :

Sur la jeunesse d’abord, “elle est l’émergence du changement, si vous ne le faites pas,
personne ne le fera. Descendez dans la rue et mettez le désordre. Il faut retrouver le langage
de la Révolution. C’est le moment de faire une révolution, le monde est sourd”. Sensible au
message de Samuel Grzybowski sur la crise du covid qui a fait ressentir le besoin criant de
justice et de renouvellement économique, le Pape ajoute “la crise du covid est une
opportunité pour sortir meilleur. On ne sort pas pareil d’une crise, on en sort grandi, meilleur
ou pire, mais pas pareil “.

Pour rebondir sur la dimension sociale de la Convention Citoyenne comme l’évoquait Cyril
Dion, le Pape a précisé “Laudato si n’est pas seulement une encyclique verte, c’est une
encyclique sociale”. Pour le St Père “la conférence de Paris était un moment très important
pour le climat, mais depuis 5 ans il y avait un retour en arrière. Les Cop sont des accords de
compromis, pour aller plus loin il faut trouver une autre voix. Elle viendra des plus jeunes et
des plus âgés qui sont les seuls à être créatifs. Entre les deux ils sont dans le système, ils
n’ont pas la force et les gouvernements sont faibles, c’est un problème sérieux.”

Pour saluer le travail d’Eva Sadoun dans la finance verte et sociale et le mouvement de
dirigeants engagés, François commente “la finance est un brouillard qui empêche de
réconcilier économie et humanisme, on est dans un cercle vicieux, on ne peut plus continuer
à dialoguer de cette manière. Il faut renouveler le dialogue entre les deux” et il a également
ajouté “on doit renouveler le dialogue, vous êtes les protagonistes de ce changement. Les
accords de Paris étaient un beau travail mais il faut montrer une autre voie et arrêter les
compromis. Le futur ne peut pas se faire avec des maquillages”

Conscient du travail de Coexister en Europe, le Pape a réagi au sujet de la laïcité “Un État
doit absolument être laïque, mais ne doit pas être laïciste. Les États religieux ont fait
beaucoup de mal, une religion ne devrait pas pouvoir diriger un État. Un État doit être laïque.
Ce qui veut dire qu’il respecte les différentes convictions et la transcendance tout en
proposant un cadre commun.

Le Pape François s’est inquiété de la situation politique en Europe. “Il y a des germes de
populisme, c’est un grand danger. La seule solution pour éviter le populisme, ce sont les
mouvements populaires. Car le populisme cherche à défendre le statu quo. La réponse ce
sont les mouvements populaires Pour le Pape : “Il faut sortir de la démocratie idéologique qui
est comme une cuirasse qui prive le peuple de sa créativité. Un bon gouvernement doit faire
confiance à ses citoyens.”

Pour conclure le Pape François a écouté de nouveau Michel Cermak, le conseiller de
Pierre Larrouturou, et les trois jeunes français sur leurs attentes et leurs besoins, sur
l’urgence de prendre le bon chemin vers l’avenir et pas le chemin d’un retour aux
déséquilibres du monde d’avant la COVID: Pour le Pape François la finance doit rester un
moyen “la finance est le brouillard qui empêche le changement, elle anesthésie, elle n’existe
pas. La finance c’est comme le poème de Verlaine, elle blesse mon cœur d’une langueur
monotone.” prononcé en français.

Avant de partir le Pape François insiste une dernière fois “Heureusement que vous les
jeunes, vous n’avez pas d’expérience, car vous aurez la créativité de dessiner une autre voie.
La jeunesse est l’émergence du changement, si vous ne le faites pas, personne ne le fera. Il
faut sortir de la démocratie idéologique. Car l’idéologie est une cuirasse qui renferme. Elle
blinde, elle tue la spontanéité. Alors que la démocratie c’est le peuple. Quand les jeunes
s’expriment, les gouvernements répondent par la répression. Il faut arrêter avec ça. Un bon
gouvernement doit faire confiance aux citoyens.”

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