
Au coeur de cet été si chaud où les humains et la terre souffrent ensemble, le texte de Johannes Herrmann dans La Croix mérite d’être relayé. Naturaliste de terrain, Johannes est aussi un chrétien engagé, mobilisé depuis de longues années pour la prise de conscience écologique dans les Églises et ailleurs.
Il réagit ici à des décisions politiques locales qui visent à restreindre à privilégier une approche très libérale de la nature tout en sapant le travail des associations de terrain, si précieux pour suivre l’état des écosystèmes.
On attend encore que des responsables chrétiens de la région se mobilisent eux aussi pour rappeler leur engagement pour le bien commun et la défense de la Création, au nom même de leur foi.
Johannes ne peut pas être une voix isolée qui cri dans le désert, 7 ans après Laudato si.
Voici son texte
Extrait d’une enquête du journal Reporterre
Que Laurent Wauquiez ne soit pas un grand défenseur de la nature n’a rien de vraiment nouveau : aux élections régionales de décembre, le numéro 2 de Les Républicains s’était fait élire en faisant campagne contre les « ayatollahs écologistes » dans des lettres envoyées aux agriculteurs et aux chasseurs. « Mais on ne pensait pas que cela serait aussi grave, aussi vite », dit un militant d’Alternatiba Lyon. Aux parcs naturels, Laurent Wauquiez préfère ainsi les Center Parcs et notamment celui de Roybon, pour lequel il a fait voter une subvention de 4,7 millions d’euros le 14 avril dernier. Une vision de la nature qui s’est également manifestée au travers du « plan montagne », révélé en mai, pour lequel la région prévoit 10 millions d’euros, dès 2016, afin de favoriser la neige de culture. Un canon à neige. Le plan montagne de Laurent Wauquiez prévoit 10 millions d’euros, dès 2016, afin de favoriser la neige de culture. (…) En plus des autoroutes, la nouvelle majorité soutient d’autres projets d’infrastructures de transport dans la région. Si elle se montre encore silencieuse sur la question du Lyon-Turin, elle a d’ores et déjà annoncé faire de la gare d’Allan, une « priorité ». Une bétonnisation de plusieurs dizaines d’hectares de terres agricoles, sorte de « réplique locale » de Notre-Dame-des-Landes, comme l’écrivait Corinne Morel-Darleux. En à peine six mois aux manettes de la région ARA, la collection des atteintes à l’environnement se trouve donc bien garnie. Un travail de sape se poursuit par ailleurs : la déconstruction du tissu associatif écologiste. Depuis la prise de fonction de Laurent Wauquiez, nombre d’ONG voient leurs subventions drastiquement réduites, quand elles ne sont pas entièrement supprimées, comme cela semble être le destin de Mountain Wilderness, une association environnementale en charge de la sauvegarde de la montagne. Parmi les premières visées, les associations travaillant sur l’agriculture. Mais pas n’importe lesquelles : « uniquement celles travaillant sur l’agriculture durable et paysanne », note Paul Chataignon, président de l’Ardear (l’association pour le développement de l’emploi agricole et rural), pour qui l’explication est limpide : « Le nouveau conseil régional compte huit membres, ou anciens, de la FNSEA [Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles]. Ils règlent donc leurs comptes. Il y a aujourd’hui une mise sous tutelle de la politique agricole de la région par la FNSEA, pour qui la région était le maillon important qui lui manquait. » Les conséquences ne se sont pas fait attendre : l’Ardear doit perdre 41.000 euros sur l’année 2016. « Elle est de surcroît obligée de travailler avec les chambres d’agriculture, qui sont aussi aux mains de la FNSEA », ajoute Paul Chataignon. Pour une association qui travaille à accompagner les paysans dans leur autonomie et à aider les « hors-cadres familiaux » à s’installer, autrement dit à éviter le circuit traditionnel des chambres d’agriculture, la pilule est amère. Par ailleurs, Terre de liens, qui aide les paysans à l’acquisition du foncier, devrait perdre 50 % de ses subventions régionales. Pour le réseau des Amap, fort de 225 associations dans la région, on parle de 35 %. Toutes ces structures ont regroupé leur force, avec d’autres, dans le réseau Inpact (Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale), qui a lancé une pétition pour défendre le maintien « de la diversité des structures d’accompagnement agricole ». Mais on ne défie pas ainsi publiquement Laurent Wauquiez : les signataires ont été punis d’une entaille supplémentaire à leur porte-monnaie. « On nous a expliqué qu’on nous enlevait 6.000 euros supplémentaires parce qu’on s’était rebiffés, rapporte Paul Chataignon. Ce sont des gens qui travaillent à la hussarde, ils ne font pas dans le détail. » Les conséquences sont sévères : « Il y a un plan social en cours à la Frapna » [Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature], dit Éric Feraille, président de l’association. Car la Frapna voit sa commande publique passer de 750.000 euros par an à moins de 400.000. Conséquences pour cette structure, qui emploie actuellement plus d’une centaine de salariés ? « 20% de notre masse salariée est amené à disparaître en 2016, sans préjuger de 2017, où la tendance risque fort de se poursuivre », commente le responsable, qui dénonce une « volonté de destruction en règle des associations qui agissent en matière d’environnement ». Le phénomène touche en réalité l’ensemble de la vie sociale : structures d’accompagnement social, projets artistiques ou institutions culturelles sont tous victimes de coupes budgétaires, présentées comme les nécessaires économies d’une institution que Laurent Wauquiez entend mettre « à la diète ». Des métiers du cirque jusqu’au Planning familial, ils sont nombreux à se retrouver aujourd’hui dans le viseur du président de région, à la merci de son pouvoir discrétionnaire.
Dans un article de La Vie, ce catholique de droite s’exprimait d’ailleurs ainsi
Dans l’abbatiale du mont Saint Michel, une statue montre l’archange saint Michel en lutte contre le diable. Ce qui lui inspire cette réflexion : « Satan n’est pas enraciné dans le mal. Il est d’abord un serviteur de Dieu, puis il fait le choix du mal. Le mal est dans la vie, inscrit dans notre diversité. Que l’on soit chrétien ou non, il faut toujours se rappeler ce choix. De même, la politique est dans un équilibre entre cynisme, dureté des affrontements, et idéal. Les deux sont liés. Il serait utopique de dire qu’il n’y a pas de rapports de force. Pour autant, il serait caricatural de penser qu’il n’y a pas d’idéaux et de convictions. Il faut réussir à trouver le juste équilibre entre les deux. » Ce qui n’est pas toujours aisé.
Il semble en tout cas que sur les questions écologiques, l’homme n’a pas trouvé la mesure que lui indique pourtant clairement l’encyclique Laudato si.