CARÊME 19/40 – Remettre la mer à flot

Ce 4 mars dernier, un accord définitif a été trouvé à New York pour un nouveau traité international pour la protection de la haute-mer (BBNJ). Beaucoup reste à faire pour sa mise en oeuvre, mais c’est une bonne nouvelle saluée aussi par le cardinal Pietro Parolin.

C’est une victoire pour la protection de la biodiversité des océans. Samedi 4 mars, les pays membres de l’Onu sont parvenus, après 15 années de négociations, à un accord sur un traité pour protéger la haute mer. «Le navire a atteint le rivage» s’est réjouie Rena Lee, la présidente de la conférence intergouvernementale qui s’est tenue au siège des Nations unies à New York. Les délégués ont finalisé un texte qui sera adopté à une date ultérieure et qui pose un désormais un cadre juridique international.

C’est le fruit de longues négociations relancées notamment lors du dernier Congrès mondial de l’UICN à Marseille et qui permettra de créer plus largement des aires marines protégées dans la haute-mer, indispensable pour atteindre l’objectif du nouveau cadre mondial pour la biodiversité de 30% de l’océan protégé d’ici 2030, et de mettre en place des études d’impact environnemental pour réguler les activités et prévenir les dommages sur la biodiversité marine.

Il comporte également un mécanisme de partage des avantages issus des ressources génétiques marines de la haute mer, ainsi que le renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, en faveur des pays en développement. L’adoption formelle du traité aura lieu une fois que la mise au point juridique dans les langues des Nations unies aura été achevée, et l’accord entrera en vigueur dès qu’il aura été ratifié par 60 États.

Une théologie océanique

Au cours de la conférence Our Ocean qui s’est tenu les 2 et 3 mars cette année à Panama city et qui a permis d’arriver à cet accord, le cardinal Pietro Parolin a tramis un message du pape François soulignant la place de l’océan qui «peut être un facteur d’unité important, un vecteur de connexion, une cause commune». Pour vivre cette connexion, il est nécessaire d’écouter «le cri des pauvres et le cri de la Terre» et de revoir «les stratégies de croissance basées sur le gaspillage et le consumérisme, sur des modèles injustes et non durables de production, de transport, de distribution et de consommation». Deux points fondamentaux sont soulignés dans le texte : la nécessité de s’unir pour «protéger et restaurer les écosystèmes marins, côtiers et fluviaux» et l’importance de faciliter «une administration et une coordination institutionnelle efficaces, à la mesure de la taille et de la complexité du bien à protéger, l’océan».

L’ancien observateur permanent du Saint-Siège pour les Nations-Unies a ainsi souvent porté ce discours soulignant la notion de « soin et de responsabilité » bien plus de celle du « simple usage et de l’exploitation » des ressources marines. Ainsi sont dénoncées aussi bien les pollution des océans, son acidification, les pratiques de pêches illégales et de surpêche, mais aussi le développement de l’industrie extractive sur les fonds marins sans oublier la dimension humaine, des tragédies des migrants en détresse en haute mer, du trafic d’êtres humains qui a lieu en mer, des conditions de travail pénibles et parfois illégales des marins, et des tensions géopolitiques dans les zones marines considérées comme importantes.

Intéressant est aussi la vision presque théologique portée sur l’espace océanique qui ne peut pas avoir de frontières politiques ou culturelles puisque ces masses d’eau sont des courants qui parcourent la planète. Comme un lien vivant entre l’unique famille humaine. Ainsi, cet océan vivant, comme vecteur d’unité, souligne la commune dignité humaine et la nécessité de prendre soin de l’unique maison commune de tous.

Du côté des ONG et associations internationales

« Ce traité est une énorme victoire pour la protection des océans, et montre que le multilatéralisme a toujours sa place dans un monde de plus en plus divisé. » Cette réaction de Greenpeace, et plus largement celles des ONG environnementales, montre le pas très important franchi dans la nuit du samedi 4 mars au dimanche 5 mars au siège des Nations unies, à New York. « La haute mer (…) est le plus grand habitat sur Terre et abrite des millions d’espèces. Avec actuellement un peu plus de 1 % de la haute mer protégée, le nouveau traité ouvrira la voie à la création d’aires marines protégées dans ces eaux », se félicite la High Seas Alliance, une coalition de plus d’une quarantaine d’ONG. « La section du traité relative aux aires marines protégées met fin à la prise de décision par consensus, qui a prouvé ses limites dans la protection des océans par le biais des organismes régionaux existants (…). Si le texte comporte encore des problèmes majeurs, il s’agit d’un traité viable qui constitue un point de départ pour la protection de 30 % des océans de la planète », se réjouit également Greenpeace. L’adoption de ce texte doit en effet permettre de mettre en œuvre cet objectif de protection contenu dans l’Accord de Kunming-Montréal obtenu lors de la COP 15 Biodiversité, en décembre dernier. Quant aux évaluations d’impact sur l’environnement, il s’agit de « l’un des mécanismes les plus efficaces et les plus importants pour prévenir, atténuer et gérer les activités nuisibles dans les cas où la vie marine est gravement endommagée par, par exemple, la pollution sonore sous-marine », souligne Fabienne McLellan, directrice générale d’OceanCare, une ONG qui joue le rôle de conseiller spécial des Nations unies pour la protection marine. Même si cette dernière avait plaidé pour davantage d’ambition en la matière, elle estime que ces exigences renforceront néanmoins la conservation des océans. « La question du financement suffisant pour financer la mise en œuvre du traité, ainsi que les questions d’équité entourant le partage des avantages des ressources génétiques marines ont été l’un des principaux points de friction entre le Nord et le Sud tout au long de la réunion », confirme la High Seas Coalition, qui se félicite qu’un accord ait pu être trouvé sur un partage équitable. La protection des océans est essentielle pour l’environnement, mais également pour les communautés humaines qui en dépendent, soulignent les ONG. « Le système de gestion actuel est profondément inégal et injuste, et permet à une poignée de nations d’exploiter les ressources océaniques en haute mer sans partager une grande partie des bénéfices avec les communautés côtières voisines », témoigne à cet égard Greenpeace.

Le traité est encore loin de produire ses effets juridiques. Le texte doit encore faire l’objet d’une révision technique, puis être traduit dans toutes les langues officielles de l’ONU. La conférence intergouvernementale doit se réunir une nouvelle fois pour l’adopter formellement à une date qui reste pour l’heure inconnue. Ensuite suivront les phases de signature, puis de ratification du traité par les États. Le traité international n’entrera en vigueur que lorsque 60 États l’auront ratifié, et le temps long des négociations internationales risque de ne pas être compatible avec l’urgence écologique. L’objectif de protéger au moins 30 % de l’océan d’ici à 2030 est « un objectif qui, selon les scientifiques, est crucial pour maintenir la santé des océans face au réchauffement, à l’acidification et aux autres impacts du changement climatique », rappelle à cet égard Lisa Speer, directrice du programme international océan au Natural Resources Defense Council. « Il avait fallu douze ans pour que la Convention ONU sur le droit de la mer de Montego Bay, signée le 10 décembre 1982, entre en vigueur en 1994, pointe sur Twitter le professeur de droit Arnaud Gossement. Espérons que cet accord sur la haute mer, qui complète cette convention, entre en vigueur plus rapidement, après quinze ans de négociations. »

Sources : Vaticannews / Art. L. Radisson, pour ActuEnvironnement

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