CARÊME 34/40 – La vie, quelle histoire !

Bible et narratologie ? Ce champ de recherche exégétique peut paraître confidentiel. Mais il explore aussi des champs prometteurs, dont celui de l’écopoétique.

Le réseau de recherche en narratologie et Bible (RRENAB), qui fête son 22e anniversaire, organise à Paris, du 8 au 11 juin, un colloque international intitulé :  » Raconter les vivants : la Bible en perspective écopoétique. » Un colloque coorganisé par le Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris, l’Institut protestant de théologie et l’UR « Religion, Culture et Société » de l’Institut catholique de Paris.

C’est une bonne nouvelle et une piste à suivre dans les années venir que cette « relecture » des textes bibliques pour y redécouvrir le rapport aux créatures, à la terre, aux vivants qu’ils expriment.

Quelques mots d’explication des organisateurs :

ECOPOETIQUE ?

L’écopoétique – européenne – se distingue de l’écocritique, née aux États-Unis, en ce qu’elle est plus attentive à la dimension proprement littéraire des textes qu’elle étudie. L’écopoétique se développant beaucoup en francophonie, nous avons choisi des articles en français qui permettent d’appréhender la genèse et l’évolution de cette nouvelle branche des études littéraires, et d’en approcher quelques fruits.

​Dans le champ de l’exégèse, les études sur les questions écologiques sont plutôt anglophones. Alors, dans le champs francophone, l’exégèse biblique, et particulièrement l’exégèse narrative, a-t-elle affaire avec les questions environnementales au-delà de ce qui pourrait apparaître comme un thème à la mode ?

NOUVEAU REGIME

Dans Face à Gaïa, le philosophe Bruno Latour (1947-2022) explique :

Nouveau régime climatique. Je résume par ce terme la situation présente quand le cadre physique que les Modernes avaient considéré comme assuré, le sol sur lequel leur histoire s’était toujours déroulée est devenu instable. Comme si le décor était monté sur scène pour partager l’intrigue avec les acteurs. À partir de ce moment, tout change dans la manière de raconter des histoires.

Il est remarquable que, lorsqu’il définit ce qu’il appelle un « nouveau régime climatique », Bruno Latour puise au vocabulaire de l’art dramatique, emprunte aux éléments classiques, depuis Aristote, de la poétique narrative.

Si la crise environnementale change notre manière de raconter les histoires, change-t-elle aussi la manière de lire les histoires déjà racontées et particulièrement les histoires anciennes ? Nous permet-elle d’ouvrir les yeux sur des pans de ces histoires et de leurs mondes que nos yeux de modernes auraient été empêchés de voir ? C’est la question que ce colloque voudrait explorer. Il s’agira donc de réévaluer la place que les vivants non-humains – végétaux et animaux – tiennent dans les récits bibliques.

La perspective ne sera pas d’abord celle d’une histoire de la réception centrée sur des exégèses contemporaines mues par des préoccupations environnementales, à la manière d’une écocritique. Il s’agira plutôt de reconsidérer la place que les récits bibliques, dans leur art narratif, font à tous les vivants. La perspective s’inscrira résolument dans le champ de l’écopoétique telle qu’elle se développe ces dernières années dans les études littéraires en francophonie. De nombreuses pistes pourront être explorées : on pourra s’intéresser à la mise en récit des espaces naturels et à ce qui s’y joue, à la place que tiennent dans l’intrigue les végétaux et les animaux, aux traits de leur caractérisation, aux points de vue qui les envisagent et déploient leur présence dans le récit, aux points de vue qui, peut-être, leur sont reconnus et bien sûr aux liens qu’ils entretiennent avec les autres vivants, divins et humains. Il s’agira donc de (re)découvrir le tissage serré et multiforme que les récits bibliques construisent entre tous les vivants, et les types de communautés – rêvées, regrettées, espérées, éprouvées, admirées, etc. – qui se trament dans la fabrique poétique.

[1] B. Latour, Face à Gaïa, Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, 2015, p. 11.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s