Alors que se prépare le prochain synode sur l’Amazonie en octobre prochain, il peut être intéressant de constater comment ce sujet est « traduit » dans les milieux conservateurs américains, toujours sur les rangs pour critiquer la gestion des affaires de ce pape jugé trop à « gauche » selon eux. Et avec elle, l’écologisme comme une doctrine dangereuse
Ainsi, par exemple, un site « catholique » aussi folklorique que « Church militant » (tout un programme !) considère ce synode à venir comme une erreur, préférant « se concentrer sur l’environnementalisme et les questions de justice sociale plutôt que de renforcer la foi des catholiques qui sont en train de perdre leur religion. » Le document préparatoire du synode inquiète tout particulièrement ces journalistes et autres doctes commentateurs, tous représentant de la droite conservatrice la plus raide. Pour eux, ce synode n’est qu’un faux-né pour promouvoir, à terme, des évolutions aussi insupportables que l’ordination d’hommes mariés (tant pis pour nos frères des Églises d’Orient). Bien sûr, pour eux, l’augmentation des Églises pentecôtistes en Amérique du sud est le signe de cet affaiblissement de la foi qui serait provoqué à la fois par cette pensée écologisante et aussi – ah oui, on l’avait oublié celle-là – par cette fameuse théologie de la libération qui fait si peur. Bien sur, les journalistes se font fort de montrer que cette dernière n’est là aussi qu’une opération d’entrisme alimentée par les milices communistes en leur temps. Pas un mot cependant sur les programmes américains de la CIA (désormais connus) de déstabilisation des communautés catholiques s’opposant aux régimes militaires de l’époque. Ce qui se traduit avec tant de nuance par des propos de ce genre :
« Une des raisons de la perte de la foi en Amérique du sud fut l’injection de la théologie de la libération dans l’Eglise par les agents soviétiques. Celle-ci se concentre sur la politique et la justice sociale plutôt que sur la Foi et le salut des âmes. Et du coup, elle a aidé l’érosion de la foi dans le cœur de nombreux Brésiliens. C’est pourquoi aussi le synode est davantage préoccupé par sauver l’environnement de l’oppression des humains plutôt que de sauver les humains de leurs péchés. Sauver les gens de la pauvreté et de l’oppression devint le but principal de la théologie de la libération plutôt que de sauver les âmes du péché et de la damnation. Cette mission faussée a entrainé un appauvrissement de la catéchèse qui laissa les brebis perdues errer dans l’ignorance. Cela entraine une grande perte dans les vocations sacerdotales et permis aux Protestants de convertir de très nombreux Catholiques, quittant la foi de leur enfance au Brésil et dans d’autres pays d’Amérique du sud. »
Le sujet n’est pas anecdotique, car cette crispation identitaire d’une partie du catholicisme américain est très révélateur, au bout du compte, de ce qui est en jeu chez nous aussi à terme. Et la question écologique – comme quelques autres – sert bien de révélateur de ce que ces idéologies (parce que c’est bien de cela dont il s’agit) véhiculent. Plusieurs puissants donateurs américains ont récemment fait savoir qu’ils ne voulaient plus financer les projets de l’Eglise catholique, n’appréciant pas la posture trop anti-libérale du pape François. On voit là le désintéressement de leur charité. Ou pour le dire plus clairement, c’est là encore le rappel qu’il existe aux Etats-Unis un lobbying très actif de nombreux milieux d’affaires au sein de certains milieux conservateurs chrétiens, de tout bord, pour faire passer leur programme économique libéral. La persistance d’une pensée climato-sceptique radicale et militante chez certains évêques en est aussi une expression. Tout comme une réduction étrange des questions éthiques à la seule sphère familiale (traditionnelle), au détriment de tous les autres sujets (lutte rude contre les migrations, course débridée à l’armement, programmes de diminutions des aides sociales, sans oublier tous les sujets liés à l’écologie intégrale etc.)
Car la question écologique pose celle de la justice sociale et donc aussi des modèles économiques dominants. Faut-il s’étonner que la puissance économique américaine n’aime pas trop être contestée sur ses bases, promues si crassement par leur élite politique et économique ? On s’étonnera, naïvement sans doute, que des chrétiens puissent devenir aussi caricaturalement des défenseurs d’une cause aussi peu évangélique. Cela serait même drôle si ces milieux ne criaient pas désormais au schisme, dénonçant ce pape qui ne leur plait pas par des appellations outrancières. Tout cela au nom de la vérité et de la charité, avec force références au catéchisme, objets de piété et autres figures spirituelles irréprochables, elles .
Le pape François sert évidemment d’exutoire, oubliant au passage que les papes précédant, jugés eux plus conformes parce que plus proches de la sensibilité conservatrice selon eux, ont été tout aussi actifs dans cette dénonciation, préparant de fait les combats en cours du pape argentin.
Où l’on voit que l’expression « écologie intégrale » du pape François n’est pas si anodine qu’il y parait au premier abord.
A suivre
DL
Avec la Guyane française, nous sommes aussi concernés. Il ya les extractions d’or… avec le mercure qui empoisonne l’eau. Il est question de laisser faire une multinationale… alors qu’on poursuit les orpailleurs… illicites !