L’évêque de Gap, Mgr Xavier Mall, a pris la défense, il y a quelques jours, des éleveurs qui ont subi une attaque de loups dans les Hautes Alpes. Et tant pis pour ceux qui ont essayé d’apporter quelques nuances dans son analyse.
Autrement dit, l’enquête est encore en cours pour comprendre ce qui s’est passé.
On imagine l’émotion de l’éleveur, pris dans la colère, l’incompréhension et l’envie d’en découvre avec le ou les prédateurs concernés. « Je pense à toutes mes brebis, confie- Christiane Boyer, l’éleveuse. Elles sont mortes en agonisant sans que je puisse les aider. C’est terrible. »
Oui, mais voilà, suffit-il de pointer le loup pour que tout soit dit ?
C’est d’autant plus étonnant quand l’évêque du lieu, Mgr Mall s’en mêle, légitimement indigné du drame qui frappe cette famille d’éleveurs. Mais fallait-il en rajouter dans l’émotion et la colère ?
« Il attend quoi ? Un drame humain. Y’en a marre de l’idéologie« .
« Il » c’est le gouvernement français. L’idéologie, ce sont tous ceux qui veulent juste appliquer la loi qui défend le loup comme espèce protégée (après avoir été joyeusement extérminée au siècle précédent). Et l’évêque, très actif sur les réseaux sociaux, d’en rajouter :
« J’ai notamment été surpris par ce que me disait un éleveur de vaches. Ses bêtes sont redevenues sauvages parce qu’elles ont du se défendre elles aussi contre une attaque de loup. Et maintenant, il a peur de ses vaches. Ça ne peut plus durer.«
On l’aura donc compris, l’évêque veut entendre – qui le lui reprocherait ? – le cri et la souffrance des éleveurs de la région. L’histoire ne dit pas s’il soutient du coup les éleveurs qui veulent pouvoir tirer sur les loups eux-mêmes, mais le président Macron a laissé entendre que le pourcentage de loups pouvant être abattus légalement pourra augmenter. Autre remarque, pour information : on estime que dans les Alpes du Sud, l’an dernier, ce sont près de 3500 bêtes qui ont été tuées (par des attaques de loups, de chiens errants ?). A mettre en perspective avec les … 7 millions d’ovins élevés en France, dont l’essentiel pour être abattus et assurer nos délicieux gigots d’agneaux et autres délices de barbecue.
L’histoire s’arrête t-elle là ? Que nenni, grâce à ces merveilleux réseaux sociaux qui alimentent tant d’incompréhensions sur des sujets pourtant complexes et trop passionnés.
Et voilà comment en deux cuillères à pot, on passe du loup au sanglier, en passant par le Concile Vatican II et le drame des abus sexuels. ça c’est du sport.
Bien sûr, en face, la déferlante de passions qu’entretiennent si habilement nos réseaux sociaux libère des propos très virulents contre l’ecclésiastique, qui du coup, se complait à dénoncer ces écolos si peu concernés par l’être humain (l’éternelle suspicion de l’anti-spécisme, et même, si on gratte un peu la vielle colère contre les « khmers verts » de tout bord).
Pourtant, dans le lot, il y a aussi quelques naturalistes de terrain qui essayent d’argumenter sérieusement et avec respect avec le prélat, apportant quelques nuances et bonne questions. Sur la complexité sociale et écologique de la question, sur le manque d’éléments concrets pour savoir ce qui s’est vraiment passé à ce stade et sur l’importance de ne pas avoir de discours trop simplistes sur la gestion de la biodiversité. Résultat ? Une fin de non-recevoir, pour ces naturalistes, chrétiens eux mêmes, très engagés à la suite de l’encyclique Laudato si.
A se demander si, à force de crier au loup, on en devenait pas un peu sourd ? Et dire que le Concile Vatican nous a aussi invité à être des passionnés du dialogue avec les hommes et les femmes de bonne volonté. Et manifestation flagrante de l’absence cruelle de toute culture et de toute sensibilité à l’urgence de la bonne gestion de la biodiversité dans de nombreux réseaux chrétiens.
Et si on se réveillait pour de bon sur cette question ?
Je termine en évoquant un appel lancé par un réseau de chrétiens sensibles à la souffrance animale et qui proposent que pour les fêtes de Pâques à venir, on s’abstienne volontairement de manger de la viande d’agneaux…
Pour la troisième année consécutive, l’association FRA (Fraternité pour le Respect Animal) rejoint par Notre Dame de Toute Pitié lancent, pendant le Carême, une pétition au nom des agneaux de Pâques, symboles de tous les animaux tués injustement.
Nous exhortons le Pape François et les autorités chrétiennes (catholiques, orthodoxes, protestantes)(1) à se prononcer en faveur des animaux, et particulièrement à l’occasion de Pâques où un très grand nombre d’agneaux de quelques semaines à peine sont tués.(2)
Si dans la symbolique chrétienne, l’agneau représente le Christ en tant que victime innocente,(3) alors tuer des agneaux à cette occasion pour les manger est donc un paradoxe qui revient à réitérer la crucifixion et mort de Jésus-Christ plutôt qu’à célébrer Sa Résurrection !(4) Pâques signifie pourtant la victoire de la vie sur la mort.
La tradition de manger de l’agneau à Pâques, n’a donc pas plus de fondement théologique que de fondement éthique : il s’agit d’une pratique populaire et instrumentalisée à des fins commerciales. Elle est pourtant tolérée par les différentes Églises et cela conduit à une augmentation de la consommation de viande d’agneau de 50% à l’occasion de cette fête, avec la violence et la mort que cela implique.(5)
Nous appelons les Églises,
- À sensibiliser les fidèles de la contradiction que représente la consommation d’agneau à Pâques.
- À reconnaître la non-obligation et l’inutilité de la viande (animaux morts) pour le partage et le vivre-ensemble lors de la fête de Pâques.
- À promouvoir et encourager les alternatives végétales pendant le Carême (ainsi que le fait déjà la Tradition de l’Église, en Orient et en Occident sans distinction).
- À dénoncer la récupération commerciale de Pâques dont sont victimes les agneaux.
- À se positionner plus généralement pour la défense des animaux qui souffrent et meurent injustement par nos habitudes, traditions et croyances culturelles.
Sur Terre, les animaux sont certainement la catégorie d’êtres vivants qui souffrent le plus des abus et de violence et ce, du fait de l’être humain. Le silence n’est pas une réponse recevable face à ce qui est cruauté pour les animaux et indignité pour la nature humaine. Nous remercions d’avance, le Pape François et les responsables des Églises Chrétiennes pour l’attention qu’ils porteront à cette pétition et nous attendons avec intérêt une réponse.
NOTES :
1.- catholiques-romaines, catholiques-orientales, vieilles-catholiques, anglicanes, orthodoxes-orientales, orthodoxes-byzantines, luthériennes, protestantes, évangéliques…
2.- https://www.l214.com/communiques/2016/03/29-abattoir-mauleon/
3.- « Pour les chrétiens, l’agneau représente le Christ comme symbole d’innocence et d’obéissance, mais cela n’indique nullement qu’il doive être tué en raison de cette représentation. L’agneau ne devrait pas subir les conséquences de cette identification, au contraire, il devrait être protégé au lieu d’être tué. Il est clair que Pâques n’a aucun sens pour ces agneaux nouveau-nés et qu’ils ne sont pas des participants consentants dans la célébration à laquelle leur vie sera prise. Les agneaux eux, comme tous les êtres vivants tiennent à leur vie et ont pour seule aspiration de vivre ». Estela Torres – FRA
4.- C’est grâce à Pâques que les sacrifices des animaux ont disparu. Seul le Christ a accepté librement sont propre sacrifice ce qui met fin (une fois pour toutes) à tout sacrifice futur.
5.- » Séparé de sa mère dès la naissance, engraissé à des centaines de kilomètres de son lieu de naissance, malmené, entassé dans un camion de transport puis tué dans un abattoir très loin de chez lui… Voici le récit de la courte et terrible vie d’un agneau. Et pour Pâques, cette année encore, plus de 115 000 agneaux « Pascal » seront servis sur les tables.. » https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/10190-paques-laissons-les-agneaux-dans-les-pres/:
LIENS :
Notre Dame de Toute Pitié – https://www.facebook.com/ndtoutepitie/
FRA- Fraternité pour le respect animal – https://fra-respect-animal.org/
E&E
Source : France Bleu
Ben, l’inculture sur les questions d’écologie et de biodiversité n’est pas nouvelle dans les hautes sphères chrétiennes. On attendrait pourtant à l’inverse une mobilisation aussi forte des évêques en faveur de l’écologie, des autres êtres vivants, du climat etc… et effectivement un peu plus d’intelligence des enjeux globaux et symboliques de protéger les loups… Mais quand il s’agit de défendre l’agneau dans son assiette, mieux vaut crier haro sur les loups! Comme cela on peut continuer à manger l’innocence pascale en toute tranquillité! On n’est pas des sauvages, quoi! 😉
Christine K.