Le 4 octobre, à l’occasion de la fête de la saint François d’Assise qui clôturait le mois de prière pour la Création, une cérémonie a été organisée au Vatican par les religieux franciscains, le mouvement GCCM et le réseau ecclésial Pan-Amazonien
Cette célébration accompagnait aussi l’ouverture, deux jours plus tard, du synode sur l’Amazonie qui est confié au patronage de saint François d’Assise. Au cours de cette célébration (comme le montre la vidéo ci dessus), un chêne venu d’Assise à été planté (vidéo, vers 1 h 03) dans un sol où ont été rajouté des échantillons venus d’Amazonie et d’autres parties du monde pour évoquer l’écologie intégrale qui est l’approche chrétienne du respect de la Création. Des chants, des danses, des prières ont accompagné aussi ce moment.
Cette célébration a aussi laissé place à une procession (vers la 7e mn de la vidéo) et une danse proposée par des délégués amazoniens, indigènes et missionnaires, autour du décor planté au milieu de l’assemblée. Un moment simple, visiblement un peu improvisé entre des délégués qui ne venaient pas tous de la même région et de la même culture.
Mais cette modeste démarche a suffit pour déclencher les critiques habituelles des milieux conservateurs qui, depuis des mois, traquent ce synode comme une manifestation païenne et démoniaque (j’exagère à peine).
Un blogueur portugais, Pedro Gabriel, médecin oncologisteet ancien catéchiste, a pris le temps de regarder ces critiques en face et de les analyser. Il rappelle d’abord que le Concile Vatican II a souligné de longue date que le Verbe divin laisse au sein de toute culture humaine des semences de sa Vérité. Il souligne ensuite cette « herméneutique du soupçon » que développent les milieux ultra-conservateur qui s’opposent de plus en plus frontalement à la moindre initiative du pape actuel. Ainsi, le synode, avant même son ouverture, était soupçonné d’hérésie, de paganisme, demandant exorcismes et jeunes d’expiation en retour. Du coup, la célébration du 4 octobre a été l’occasion pour ces chrétiens d’un drôle de genre, de vider leur sac d’amertume grâce aux réseaux sociaux qui ne font qu’amplifier le délire ambiant. Tout à été passé au tamis de la critique et tout a été soupçonné de dérive sectaire, pour justifier leurs critiques.
Le chant et la danse de procession ont ainsi immédiatement été assimilés à une démarche païenne. On retrouve la vieille critique occidentale déjà maintes fois répétée contre l’encyclique Laudato si d’utiliser l’expression de la « terre-mère » : tout élément culturel issu des religions autochtones serait le signe d’un syncrétisme païen. Du coup, les deux petites statues en bois de femmes à genoux qui ornaient le centre du décor de cette célébration ont eu droit à tous les commentaires les plus délirants. Une de ces statues de femme enceinte a été apportée au pape pour qu’il la bénisse sous le vocable de Notre Dame de l’Amazonie et de l’Eglise (vidéo, 13:20 et 13:35). un vaticaniste a d’ailleurs souligné qu’une telle représentation de la Vierge pouvait aussi être vénérée dans la chapelle Ste Maria in Traspontina. On est donc bien loin de la Pachamama à laquelle les détracteurs avaient assimilé cette statue: il s’agit simplement d’une scène de Visitation entre les femmes de l’Evangile.
Autre signe si révélateur de l’hystérie de ces chrétiens critiques sur de leurs bons droits : ils ont cru repérer sur la natte entourant ces deux statues, une autre petite statue en bois d’un homme … qui serait en érection. Vérification faite : c’est la photo qui, prise sous un angle particulier, assimilait un bras levé à cette posture. Les Franciscains ont expliqué qu’étaient rassemblés là différents symboles de ce que vivent ces peuples d’Amazonie, dont une évocation des martyrs.
Ainsi donc, cette lecture de ce qui se joue dans ce synode est très révélatrice des crispations conservatrices et nationalistes de certains milieux chrétiens (notamment nord-américains). Leur pudibonderie et leur fascination étrange devant tout ce qui évoque la réalité sexuelle comme étant indigne du divin en dit long de leur posture psychologique. Leurs critiques témoignent aussi de l’opposition frontale de ces milieux à tout ce que les théologies du sud peuvent apporter de spécifique à la vie de l’Eglise. Refusant tout le génie de l’inculturation de l’annonce chrétienne qui se déploie depuis des siècles, ils préfèrent maintenir une vision stérile et cloisonnée d’une vérité dont ils se veulent les ardents défenseurs. Une vision aux relents colonialistes assez assumés par ailleurs, au nom d’une défense du génie latin et occidental.
On l’aura compris : ce synode est bien un moment ecclésial important pour nous guérir de ce poison du conservatisme clérical qui n’a d’évangélique que les apparences et le nom.
E&E
Comme je suis d’accord avec l’importance de dénoncer ce qui tue notre monde! Merci Dominique pour ta perspicacité et ton courage. Dans le même temps, je me demande également s’il est nécessaire de mettre de l’énergie pour dénoncer des agissements d’une certaine frange de chrétiens qui n’ont dans leurs postures, leurs mots et leur hargne.. rien de fondamentalement chrétien. C’est cette enfermement rétrograde qui nous fait sortir de cette « église là » et malheureusement pour certains, de l’Eglise tout court. Le problème c’est que cette attitude (visible chez les nord américains) et bien prégnante également dans nos milieux. Et c’est épuisant. Ce n’est pas de parler d’écologie qui fatigue, mais de devoir affronter des visions étriquées et de modes de penser et de vivre le monde complètement rétrogrades et finalement destructeurs du bien commun. Que sœur notre mère la Terre nous pardonne!