Lors du point presse quotidien, les débats de l’assemblée synodale sont évoqués et rendent compte de grande diversité des sujets abordés dans cette première phase de la rencontre. Le P. Giacomo Costa, secrétaire du synode, en rend compte à travers quatre points.
- Ainsi, la question des ministères non-ordonnés est revenue à plusieurs reprises. Des ministères plus attentifs aux charismes de laïcs stables, reconnus publiquement. Il y a là place pour une créative ecclésiale, pour répondre aux besoins des peuples d’Amazonie. Pourquoi même pas un ministère spécifiquement dédié aux urgences écologiques ? Les femmes ne seraient-elles pas là particulièrement bien placées. Tout cela n’est pas une revendication mais une forme de reconnaissance de ce qui se vit déjà sur le terrain.
- C’est aussi le visage amazonien de l’Église qui a été évoqué. Il se montre par une capacité à dialoguer en respectant à la fois et jusqu’au bout l’Evangile d’une part et les cultures locales d’autre part. Un dialogue empathique et non pas des faces à faces stériles. Il y a une richesse d’expériences humaines, spirituelles au sein des communautés amazoniennes qui peut être entendue et accueillie. Cela demande bien sûr d’être formé pour le vivre sereinement, pour pouvoir réfléchir sur les nuances théologiques nécessaires pour rencontrer les approches amérindiennes. Un dialogue qui doit tenir compte aussi de cinq siècles souvent douloureux pour les populations locales. L’autre aspect est la pauvreté que crée l’absence de structures ecclésiales suffisantes pour accompagner les populations. Faut il s’étonner alors que certains se tournent vers les communautés pentecôtistes ?
- La question des migrations est aussi importante à prendre en compte. Volontaire ou subie, exode rural, exode économique, voire même le couloir migratoire qu’est devenu l’Amazonie pour des migrants se rendant au Nord. Des réalités très différentes et complexes.
- Enfin, il a été rappelé que ce synode doit être une vraie caisse de résonance pour toutes les questions d’écologie intégrale déjà évoquées dans l’encyclique de 2015. Sommes nous prêts à assumer les conséquences de ce qui se vit en Amazonie, révélateur de ce qui se passe aussi ailleurs ?
Deux invités ont réagi aussi aux débats en cours. Mme Celia Quimeres, une participante brésilienne de formation scientifique a rappelé que l’Amazonie est plurielle, aussi bien du point de vue de la biodiversité que des populations. 114 populations isolées existent encore au sein de la Panamazonie et c’est une vraie responsabilité que de les préserver. Mr Carlos Nobre, membre du GIEC, prix Nobel de la paix 2017, a aussi produit un document de synthèse évoquant les réalités, les risques et les solutions possibles face au dérèglement climatique pour l’Amazonie. Coeur des écosystèmes planétaires, cette région du monde est pourtant près d’une forme d’écroulement.
Enfin, Mgr Kraütler (né en 1939), évêque d’origine autrichienne qui vit depuis 1981 en Amazonie, a pris la parole. Ou plutôt, il a lancé un grand cri. Il vit en effet depuis presque trente ans sous protection policière, du fait de ses dénonciations régulières contre les violences sociales ou les projets industriels délirants dans la région. Il rappelle que le Brésil n’a plus besoin de construire des centrales hydroélectriques gigantesques comme à Bella Monte, puisque dans cette région du monde le soleil brille de 8 h à 18 h tous les jours.
Le fleuve Xingu a été modifié profondément par ce barrage colossal et les populations ont été forcées au déplacement. Les populations locales ne sont pas consultées et les promesses de développement qui leur sont faites sont souvent pas tenues. Ce barrage ne produit pas une énergie propre quand on voit les conséquences environnementales et sociales sur place. Les villes locales elles-mêmes ont été impactées. La ville d’Alta mira, par exemple, est devenue une des villes les plus violentes du Brésil, avec une infestation de trafics de drogues liés à l’émergence de ces nouveaux modes de vie et de la présence de ces grandes installations industrielles. Le même prélat a souligné que la présence catholique dans la région a aussi permis, depuis très longtemps, de défendre les droits des populations autochtones. Mais aujourd’hui, le gouvernement brésilien mène une campagne anti-indigène. Alors que l’Eglise fait l’option des plus pauvres et de la diversité culturelle. La défense de leur vie est donc un devoir urgent.
Le prélat est aussi revenu sur la question des ordinations d’hommes mariés, qui lui parait culturellement incontournable dans le cadre des peuples indigènes. Le journaliste du Figaro, Jean-Marie Guénois, a rappelé que Mgr Kraütler a évoqué ce sujet des viri probati auprès du pape en avril 2014. Il était alors secrétaire épiscopal de la conférence épiscopale d’Amazonie. Il avait présenté trois points : les menaces sur l’Amazonie, la dignité des peuples autochtones et l’accès à l’eucharistie. Il y a des milliers de communauté dans cette région qui n’y accèdent presque pas. Or si l’Eglise n’existe qu’autour de l’autel, comme disait Jean Paul II, comment leur permettre d’y accéder ? Le risque est de faire passer la règle du célibat au-dessus du commandement de l’eucharistie qu’a laissé Jésus à ses disciples. Par ailleurs, deux tiers de ces communautés ont comme responsables et coordinateurs des femmes. Le diaconat féminin pourrait être une piste dans l’avenir, selon Mgr Kraütler.