Les relations du populiste président philippin, Rodrigo Duterte avec les évêques philippins sont très tendues, depuis des années. La levée du moratoire sur l’exploitation de mines en zones protégées qu’il vient de décréter crée ainsi un nouveau bras de fer politico-religieux.

Le 16 avril, la Caritas locale (l’équivalent du Secours catholique) a exprimé sa consternation face à cette décision. « Cette décision ne favorisera que les intérêts commerciaux, et non la population, en particulier les communautés pauvres et marginalisées, a condamné Mgr Jose Colin Mendoza Bagaforo, évêque de Kidapawan et président de la Caritas, deux jours après la décision controversée. Le gouvernement a, une fois de plus, choisi l’intérêt personnel et le profit plutôt que la souffrance des gens et l’écologie. » « L’exploitation de magnétite [un minerai composé d’oxyde de fer, NDLR] va aggraver les inondations et provoquer une érosion massive sur les côtes, ce qui pourrait causer des pertes humaines », a regretté l’archevêque deTuguegarao Mgr Ricardo Baccay.

En 2006, la Conférence des évêques des Philippines avait déjà obtenu gain de cause auprès de la présidente d’alors, Gloria Arroyo, qui avait renoncé à une loi autorisant l’exploitation des mines de la nation insulaire par des compagnies étrangères. Six ans plus tard, son successeur Benigno Aquino avait suspendu toute activité située dans des zones protégées grâce à la mobilisation de nombreux acteurs parmi lesquels les gouvernements locaux, les défenseurs de l’écologie et les responsables catholiques.

Cette contestation est importante de la part d’une Eglise locale très engagée dans la dynamique Laudato si. En 2019, elle a ainsi lancé un projet baptisé « Eco-Convergeance », dans le but de promouvoir les enseignements de l’encyclique Laudato Si et de renforcer la lutte « contre l’urgence climatique ». Cette initiative s’effectue en collaboration avec des acteurs de la société civile. Plusieurs diocèses ont aussi programmé de viser la neutralité carbone quant à leur consommation en énergie, en basculant notamment vers le solaire. Dans le passé, des documents épiscopaux ont déjà tiré la sonnette d’alarme en dénonçant une terrible dégradation de l’environnement naturel dans de nombreuses parties de l’archipel.

La Caritas philippine est très engagée sur les défis liés aux changements climatiques.

Caritas Philippines a adopté une approche multidimensionnelle pour protéger les communautés face à des événements climatiques de plus en plus violents. Plaider pour un changement concernant l’exploitation illégale des forêts, des mines et des carrières est un élément clé de leur travail, qui vise à réduire l’impact des conditions météorologiques extrêmes sur leur pays. « Tous ces problèmes ont une confluence et provoquent de plus en plus de déforestation, ajoute le Père Labiao. Nous devons élever notre voix plus fort et nous assurer que les gens comprennent combien nos actions ont un impact sur l’environnement et sur les pauvres. » Caritas Philippines travaille avec les communautés avant que les typhons ne frappent, à travers des programmes de préparation aux situations d’urgence, qui créent des systèmes d’alerte précoce et assurent la coordination et une réaction rapide des communautés aux catastrophes potentielles. Suite aux récents événements climatiques, les équipes de Caritas sur le terrain ont fourni à plus de 76 000 personnes des paniers alimentaires, des kits d’hygiène, des lampes solaires, des ustensiles de cuisine, des kits de couchage et de l’eau.À long terme, Caritas construira des abris permanents, offrira un soutien aux moyens de subsistance des populations et des activités de renforcement des capacités.

Source : La Croix, art. De Matthieu Lasserre, 22 avril