AMAZONIE – Terre meurtrie

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Un autre synode poursuit son chemin, ne l’oublions pas. Et cela se passe en Amazonie. La mort du cardinal Hummes, une grande voix de ces peuples, mais aussi celle d’un journaliste britannique et d’un expert brésilien rappellent la violence qui se répand dans cette région qui reste un front primordial des agressions contre l’environnement et de la corruption organisée.

Il y a quelques jours décédait un grand acteur de ce processus, le cardinal franciscain Claudio Hummes, à l’âge de 87 ans. Ami proche du pape François, il a porté haut la voix au Vatican la voix des peuples indigènes. C’est cet ami qui a soutenu le cardinal Bergoglio au moment de son élection comme pape et qui, en lui suggérant de « ne pas oublier les pauvres », l’a aidé à choisir son nom : François. En mai 2007, il a participé à la cinquième conférence des évêques d’Amérique latine, plus connue sous le nom de conférence d’Aparecida, dont le rapporteur du document final était… le cardinal Bergoglio.

L’archevêque émérite de São Paulo a beaucoup contribué au lancement du synode sur la région panamazonienne en octobre 2019, espérant ainsi faire entendre la voix des populations amazoniennes, en proie à la déforestation, aux projets prédateurs et aux maladies de la terre et des hommes, ainsi qu’aux problèmes pastoraux. Comme rapporteur général de ce synode, il a proposé aux participants de l’assemblée, dans son rapport introductif, de centrer leurs travaux sur de nouvelles pistes pour l’Église en Amazonie : l’inculturation et l’interculturalité, la question du manque de presbytres ; le rôle des diacres et des femmes, le soin de la Maison commune dans l’esprit de l’écologie intégrale.

«Les peuples indigènes ont montré de nombreuses façons qu’ils veulent le soutien de l’Église pour défendre et protéger leurs droits, pour construire leur avenir. Et ils demandent à l’Église d’être un allié constant. Les peuples indigènes doivent être restaurés et se voir garantir le droit d’être les protagonistes de leur histoire, sujets et non objets de l’esprit et de l’action du colonialisme de quiconque»

En 2020, il est nommé président de la Conférence ecclésiale amazonienne (CEAMA) nouvellement formée, et a rappelé que la démarche synodale est un processus de longue durée, qui devait maintenant mettre en œuvre un grand nombre des propositions faites. La première rencontre de cette nouvelle structure a eu lieu le 26-27 octobre 2020 . En juillet 2021, le cardinal Hummes publie une lettre pastorale dans laquelle il rappelle le danger des dérèglements climatiques en cours, demandant au monde de passer du «devoir faire», c’est-à-dire des belles promesses, au «faire», c’est-à-dire à l’action concrète; «Il est bon de continuer à discerner ce que nous devons faire, mais même si cela est bon, ce n’est pas suffisant», écrivait le cardinal franciscain.

Le travail du synode se poursuit donc. En mai 2022, le pape François écrivait aux participants de la 4e rencontre de l’Eglise catholique en Amazonie légale (c’est à dire au Brésil) qui se déroulait à Santarém, 50 ans après une autre « rencontre » dans ce même lieu qui avait « proposé des lignes d’évangélisation qui ont marqué l’action missionnaire des communautés amazoniennes et qui ont contribué à la formation d’une solide conscience ecclésiale. Les intuitions de cette rencontre ont également servi à éclairer les réflexions des pères synodaux, lors du récent synode pour la région panamazonienne, comme je l’ai rappelé dans l’exhortation apostolique post-synodale Querida Amazonia, en la décrivant comme l’une des «expressions privilégiées» du cheminement de l’Eglise avec les peuples de l’Amazonie (cf.QA, n. 61). En effet, dans les notes « lignes prioritaires », fruit de ladite rencontre, sont esquissés les rêves pour l’Amazonie réaffirmés dans le dernier Synode (cf. QA, n. 7). » Le pape François rajoutait : « Soyez courageux et audacieux, en vous ouvrant avec confiance à l’action de Dieu qui a tout créé, nous a donné lui-même en Jésus Christ (cf. QA, n. 41) et nous inspire par l’Esprit à annoncer l’Evangile avec un nouvel engagement et à contempler la beauté de la création, encore plus exubérante dans ces terres amazoniennes, où s’expérimente la présence lumineuse du Ressuscité (cf. QA, n. 57). »

Du courage, il en faut sur ces terres meurtries par la violence. L’assassinat récent, le 5 juin, d’un journalsite britannique et d’un expert brésilien des peuples autochtones l’a rappelé. «Y a -il une loi en Amazonie ?» se demande Mgr Pedro Jose Conti, l’évêque de Macapa, dans ces régions où le trafic de drogue et d’or sont très actifs. L’enquête policière a permis de retrouver les corps dissimulés. A ce stade, disent les enquêteurs brésiliens tout porte à croire «que les tueurs ont agi seuls, sans commanditaire, sans une organisation criminelle à l’origine des meurtres»

Ce que réfute l’Union des peuples indigènes de la Vallée de Javari (Univaja), dont des membres ont activement participé aux recherches. «Il n’y a pas seulement deux tueurs, mais un groupe organisé qui a planifié le crime dans ses moindres détails» a affirmé l’Univaja dans un communiqué. Mgr Pedro Jose Conti, l’évêque de Macapa dans l’État de l’Amapá, sur la rive gauche de l’estuaire de l’Amazone, lui aussi, s’interroge :

«La question est: y a -il une loi en Amazonie ? Qui commande dans cette zone ? Car si certains faits tragiques sont possibles, si certaines injustices ou disparitions sont possibles, alors on se demande qui a le pouvoir de contrôler et de mettre fin à ces abus, ces excès de violence. C’est une question fondamentale. S’il y a une loi, elle devrait être respectée». Le prélat lance un appel à la paix et à la fraternité, espérant qu’il pourra arriver «le plus loin possible dans les cœurs pour que les gens commencent à penser qu’au lieu de construire la fraternité, on est en train de la détruire. On ne détruit pas seulement l’Amazonie mais la vie, l’être humain qui devrait rester ouvert, fraternel, solidaire, ami. Il faut louer le Seigneur pour la vie et les beautés de l’Amazonie, et non avec la peur d’être volé, agressé ou même tué.»

De son côté, le réseau ecclésial pan-amazonien exige dans une note une action gouvernementale urgente après ces décès. La présidence du Repam composée de l’évêque de Marajó, Mgr Evaristo Pascoal Spengler, de l’archevêque de Palmas, Mgr Pedro Brito Guimarães, et de l’évêque d’Itacoatiara, Mgr José Ionilton Lisboa de Oliveira, a exprimé sa solidarité avec les familles des victimes, remerciant les peuples indigènes de la Vallée du Javari pour leur solidarité, et tous ceux qui n’ont cessé de défendre un journalisme capable de faire la lumière sur la situation en Amazonie et les violations des droits de l’homme qui s’y produisent.

Le « Repam-Brésil », peut-on lire dans cette note, «est engagé dans la défense de la vie humaine et de la nature, et appelle fermement à une action énergique des autorités pour mettre fin à l’illégalité et à l’exploitation de la nature en Amazonie, qui a conduit à des décès continus».

Dom Phillips était l’auteur de dizaines de reportages sur l’Amazonie, vivait au Brésil depuis 15 ans et terminait un livre sur la conservation de l’environnement. Bruno Araujo Pereira, père de trois enfants, avait auparavant travaillé à l’agence gouvernementale brésilienne pour les affaires indigènes (Funai). Plusieurs fois, il a été menacé par des bûcherons, des mineurs et des pêcheurs illégaux qui voulaient exploiter le territoire indigène.

Source : Vaticannews.

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