
Connaissez vous saint Gaudérique ? Si c’est le cas, c’est que vous habitez probablement dans le sud-ouest de la France. Fêté le 16 octobre, ce paysan du IXe siècle est aussi le patron des agriculteurs catalans, de la région du Roussillon et de Perpignan. Ville où, ces jours-ci, on l’invoque pour faire revenir… la pluie.
« Celui qui est au service de Dieu ». L’étymologie wisigoth du prénom en dit long sur l’engagement du personnage. Enterré au monastère de Saint Martin du Canigou (Pyrénées), il fut canonisé dès 990 ap. J.-C. par l’évêque Raymond II, de Toulouse. Plusieurs miracles font partie de l’histoire de ce paysan vénérable. Il a ainsi pu repousser un orage qui menaçait des gerbes de blé récoltées et répandues sur l’aire à battre.
Après sa mort, la tombe était devenue un lieu de pèlerinage. Lorsqu’en 960 sa châsse reliquaire fut transportée à cause d’une terrible sécheresse à Narbonne qui menaçait les habitants, c’est de l’eau qui s’est mise à jaillir du sol là où le reliquaire venait d’être déposé. D’autres récits insistent sur le soin que ce saint local apporte au monde paysan, tout particulièrement durant les périodes de sécheresses.
Ce 18 mars, c’est encore saint Gaudérique qui va être invoqué lors de la procession organisée depuis la cathédrale de Perpignan jusqu’à la rivière locale, en l’occurrence le fleuve côtier la Têt, long de plus de 100 km et partiellement asséché après six mois sans pluie dans la région.
« Nous attendons du monde à la procession, puisque cette sécheresse nous concerne tous », confirme au journal La Croix le P. Benoît de Roeck, curé de la cathédrale qui organise l’événement. « Les cours d’eau sont à sec, poursuit-il. Et le peu de neige tombée cette année n’a pas permis de refaire les nappes phréatiques, comme habituellement au mois de mars. » Depuis six mois en effet, moins de 130 mm de pluie ont irrigué la plaine du Roussillon. Le 23 février dernier, toutes les communes du département ont été placées par arrêté préfectoral en « alerte renforcée », seuil le plus haut. « Face à l’inquiétude hydraulique particulièrement marquante, les maraîchers et viticulteurs nous ont sollicités», explique le P. de Roeck. C’est Georges Puig, viticulteur à Passa, qui a lancé l’initiative. Lui-même était habitué à prier saint Gaudérique depuis l’enfance avec sa famille, dans les grands épisodes de sécheresse. L’idée a rapidement emporté l’adhésion du vicaire de la cathédrale, le père Christophe Lefebvre.
Invoquer saint Gaudérique, ce saint du IXe siècle, est une tradition régionale. À l’époque, et jusqu’au début du XXe siècle, il était d’usage de transporter la statue du saint jusqu’à la mer et de l’y plonger afin de lui demander des épisodes pluvieux. Du XIe au XVIIIe siècle, plus de 800 processions ont eu lieu. Cette pratique populaire a « progressivement disparu », déplorent tour à tour Claudine Llauro, Laurent Pratx, et Georges Puig. « Mais il ne faut pas oublier l’intercession des saints », souligne le père de Roeck qui souhaite rétablir « ce qui a pendant longtemps été considéré comme ridicule et rétrograde ».
Cet article de La Croix invite à s’interroger sur ce lien que nous perdons. Lien à la dévotion populaire, via la figure des saints locaux qui ont marqué la foi et l’imaginaire de la région. Mais aussi lien à la terre et au monde paysan. Car il est quand même difficile de transposer une pratique millénaire au contexte actuel sans évoquer les réalités météorologiques et climatiques que nous connaissons. Et qui expliquent bien des choses. Que l’on prie le Créateur pour prendre soin de nous est une chose. Que l’on oublie la responsabilité qui nous est confiée de prendre soin de la Création en est une autre.
En rester à une démarche simplement dévotionnelle exprime certes la foi d’un peuple, mais aussi, sur un autre aspect le risque de ne pas vouloir en regarder en face notre propre responsabilité dans les évènements en cours. La conversion qui est nécessaire dans une telle démarche mériterait d’être plus clairement exprimée ainsi que le désir d’être de meilleurs gardiens de cette ressource en eau potable dont nous avions oublié la préciosité.
Par exemple, cette vidéo de 2021 qui rappelle une évidence : quand vous enlevez de grandes quantités d’alluvions (3 millions de m3) à un lit de fleuve pour construire une Nationale voisine (la RN 116), vous accélérez l’érosion, au risque d’impacter la nappe phréatique.
Pas de nouvelles depuis 2021 pour prendre soin de ce cours d’eau mal en point et que la sécheresse en cours aggrave encore.
Entre temps la vie continue : la gestion de la RN 116 vient d’être officiellement confiée au département à partir de 2024 pour un essai de 8 ans.
Une décision qui « réjouit » la présidente du Département, Hermeline Malherbe. « Le Département travaillera en étroite collaboration avec la Région pour une gestion et un développement coordonnés de cet itinéraire essentiel tant pour les habitants et usagers des communes limitrophes que pour les déplacements économiques et touristiques, et en lien avec les autres solutions de mobilités », communique-t-elle. « Il y avait une double logique à récupérer la RN 116. Une logique géographique d’abord car il est pertinent de conserver cet axe intégralement situé sur le territoire départemental reliant la plaine à la montagne. Et une logique d’entretien ensuite dans la mesure où les agences routières départementales entretiennent déjà les routes départementales qui croisent la nationale« . Et de conclure : « Ce transfert permettra au Département et aux communes de poursuivre les travaux de modernisation et de sécurisation de la RN 116 conformément au protocole financier voté en avril 2022 de 110 millions d’euros partagés entre l’État, la Région et le Département ». (L’indépendant)
Modernité. Infrastructure. Economie. Tourisme. Et pas un mot sur l’écosystème dégradé.
Saint Gaudérique, toi qui a su arrêter l’orage pour sauver les moissons et faire jaillir l’eau pour lutter contre la sécheresse, occupe toi aussi, si tu le peux, des coeurs endurcis et des esprits lents à croire. La pire des sécheresses, en l’occurence.
et oui, Dieu accompagne au quotidien le paysan, homme de terre qui vit et travaillae en alliance avec la Création.
merci
marie christine favé