EVEQUES – Au Nicaragua, le canal de trop

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2014 NicaraguaLe 22 décembre prochain, les travaux de construction d’un immense canal entre le Pacifique et l’Atlantique doivent débuter au Nicaragua. Ce concurrent du canal du Panama ne fait pas l’unanimité, provoquant notamment l’expropriation de milliers de paysans de leurs terres. Sans oublier les dégâts environnementaux d’un tel méga-projet. Les évêques du pays commencent à prendre position désormais.

Des représentants des Églises locales et des fonctionnaires du gouvernement se sont rencontrés au siège de la Conférence épiscopale du Nicaragua, rapporte l’agence Fides, il y  a deux jours. Le président de la Conférence épiscopale du pays (CEN), Mgr Leopoldo Brenes, a participé à la réunion d’information. Mais Mgr Jorge Solorzano, évêque du diocèse de Granada, directement concerné par le projet, demande davantage. Plus de transparence concernant les travaux notamment. Car l’insatisfaction monte, devant le sentiment de n’avoir pas été entendu par les politiques. Plus de 2 000 personnes ont ainsi manifesté contre la construction du canal sur l’île d’Ometepe du lac Cocibolca, la source d’eau douce la plus importante de l’Amérique centrale. Une source qui devrait être traversée par le canal.

L’agence Fides rappelle que

dès le 21 mai dernier, au cours d’une rencontre avec le président du Nicaragua, les évêques du pays tiraient la sonnette d’alarme sur ces travaux. Le projet du Grand canal interocéanique « influencera de manière notable la culture, le style de vie et de travail de nos populations et des générations futures », expliquaient les évêques dans un document remis au chef de l’État. « Il est fondamental et urgent que le projet soit discuté de manière plus approfondie, en prenant en considération l’avis d’experts scientifiques du secteur, nationaux et étrangers, afin d’harmoniser les aspects constitutionnels, géologiques, techniques et environnementaux et d’évaluer calmement les dangers de ce méga projet pour sauvegarder notre environnement et les ressources naturelles », poursuivaient-ils.

Mais d’où vient en fait ce projet de canal ? Il est ancien, aussi ancien que celui du Panama qui, lui, est une chasse gardée des Etats-Unis. Avec l’avantage de raccourcir encore le passage de la côté est à la côte ouest des Etats-Unis et de permettre le passage de supertankers de 250 000 tonnes, loin devant les capacités du canal de Panama, malgré les travaux d’élargissement en cours. Ce potentiel, ce sont les Chinois qui l’ont repéré, pariant sur une augmentation du trafic maritime  commercial de 240 % d’ici 2030. C’est donc au sein des discussions menées par les pays de la coalition des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) que le projet a été décidé, soutenu par la Chine et la Russie essentiellement. En juin 2014, une concession de 50 ans avait été accordé par le président nicaraguayen à la Hongkong Nicaragua Canal Development (HKND). Le projet devrait être achevé en 2019 pour une entrée en fonction une année plus tard. Ce canal de 278 km de long, bien plus grand et large que ceux de Suez ou de Panama, pourrait bien capter jusqu’à 5 % du commerce mondial, là où celui du Panama n’en capte actuellement que 3 %. De plus, le canal sera doublé par une voie ferroviaire et la construction d’un aéroport, de ports et d’un oléoduc. De quoi doper le PIB du Nicaragua et de booster le marché de l’emploi.

Il est fort à parier que la voix des évêques ne portera pas bien loin devant cette surenchère économique et politique.

DL
Source : Fides et un art. de Karel Vereycken

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