Mgr Albert LeGatt n’a pas froid aux yeux. Ou peut être, simplement, fait il preuve d’un bon sens que beaucoup avaient oublié ? Alors qu’avec ses collègues évêques canadiens il s’apprêtait à faire sa visite ad limina à Rome, l’archevêque de Saint-Boniface a publié 15 jours avant son rapport sur l’état de son diocèse. Ce qui ne se fait pas d’habitude…
Occasion d’évoquer une pastorale en pleine mutation au sein de sa région : celle de l’accompagnement des populations autochtones. Une réalité encore douloureuse, puisqu’après guerre, une bonne partie des enfants de ces familles avaient été scolarisés de force dans des internats pour les inculturer. Depuis quelques années, un long processus de guérison des mémoires et de réconciliation est engagé. Un autre pan essentiel de l’écologie humaine intégrale…
Voici l’extrait du rapport sur cette réalité :
Nous avons également une douzaine de « Réserves Indiennes » et des zones de population Métis. Nous avons des prêtres et des agents de pastorale qui exercent leur ministère dans les « Réserves » auprès des nations indigènes qui vivent souvent dans la pauvreté et souffrent d’un taux de chômage élevé, d’alcoolisme, de toxicomanie, de violence familiale et de diverses formes de dépendance.
L’histoire des relations entre l’Église catholique et les peuples indigènes dans notre région, comme dans tout le pays, est celle d’une relation en dents de scie. Les premiers missionnaires, et ceux qui les ont suivis, ont en règle générale été des personnes de grand courage et de générosité, qui ont su sacrifier bien des choses pour annoncer l’Évangile, et apporter une meilleure éducation et de meilleurs soins de santé aux membres des Premières Nations. Cependant, plusieurs de leurs attitudes révélaient une mentalité «colonialiste», dure et parfois oppressive envers ces populations, rabaissant et méprisant leurs langues, leur culture, leurs croyances et leurs valeurs spirituelles. Cela s’est manifesté de manière la plus flagrante et préjudiciable dans l’établissement de pensionnats autochtones, suivant les instructions du Gouvernement fédéral de l’époque, mais dirigées par des communautés religieuses d’hommes et de femmes, ainsi que, dans certains cas, par des diocèses. Au Manitoba, comme partout ailleurs dans l’Ouest canadien, les ravages causés par l’expérience des pensionnats autochtones furent plus importants que dans le reste du Canada. Le sentiment d’aliénation à l’égard de leur famille et de leur communauté, la perte de la langue et de la culture, des dysfonctionnements transmis de génération en génération depuis cette époque ont causé de profondes blessures dans la relation entre l’Église et les peuples autochtones, qu’ils soient catholiques ou non. Et souvent, dans les pensionnats autochtones, la discipline sévère – inconnue de ces cultures – rendait la blessure encore plus profonde, ainsi que – bien plus tragique encore – les abus sexuels perpétrés sur les enfants par des membres du clergé ou des communautés religieuses.
Depuis les années 90, les Premières Nations ont commencé, avec beaucoup de courage, à apporter à la connaissance de la société canadienne, ces injustices du passé qui affectent encore leur vie présente. Des efforts pour établir la vérité, pour offrir des compensations, pour apporter guérison et réconciliation ont été entrepris à la fois par le Gouvernement fédéral et par les Églises (Catholique romaine, Anglicane, Presbytérienne et Église unie du Canada) qui ont géré ces écoles depuis le milieu des années 60. Les 6 années de travaux de la Commission de vérité et réconciliation ont mené à la rédaction d’un rapport reprenant 94 recommandations pour avancer vers de meilleures relations – pour le présent et l’avenir – entre les peuples de Premières Nations d’une part, et le Gouvernement, les Églises et la société canadienne tout entière d’autre part.
Des 94 recommandations, 7 concernent spécifiquement les Églises, y compris l’Église catholique romaine. Les efforts de notre diocèse pour répondre à ces défis d’évangélisation, de réconciliation, de guérison et de justice envers les peuples autochtones dans l’archidiocèse de Saint-Boniface sont nourris par une rencontre annuelle de tous les prêtres et religieuses qui exercent leur ministère auprès des Premières Nations, ainsi que des leaders laïcs de chacune de ces communautés. Jusqu’à cette date, nous n’avons pas de plan formel quant à la pastorale dans ces missions. Nous espérons que, avec le développement futur et plus détaillé du Plan pastoral diocésain, que la situation dans les missions autochtones ne fera que s’améliorer
DL