Le journaliste de La Croix Nicolas Senèze va publier en septembre une impressionnante enquête sur les luttes en cours dans l’Eglise, notamment du côté des milieux conservateurs américains très opposés aux options du pape François.
Voici un extrait du chapitre 4 de cet ouvrage où le journaliste évoque les milieux opposés à l’encyclique Laudato si. Très éclairant…
Un an et demi après Evangelii gaudium, ce sera au tour de l’encyclique Laudato si’ de se heurter aux milieux conservateurs américains, et en premier lieu les climatosceptiques poussés par les géants du pétrole. Les attaques commencent avant même la publication du texte dans lequel le pape appelle à une réponse globale au réchauffement climatique.
Nello Scavo raconte comment le Heartland Institute, un think tank conservateur de Chicago, organise alors des rencontres à Rome pour essayer de convaincre les milieux proches du Vatican qu’« il n’existe aucun problème de réchauffement global ». « Bien que le pape François soit animé de bonnes intentions, il rendrait service à ses fidèles et au monde entier en évitant d’exercer son autorité morale sur le programme scientifique des Nations unies en matière de climat », affirme même Joseph Bast, président de l’institut qui a déjà reçu un million de dollars de la part des géants du pétrole Exxon et Chevron. Laudato si’ publiée, le discours ne change pas : le pape « n’est pas bien conseillé par l’ONU », explique Jim Lakely, responsable de la communication du Heartland Institute, rappelant aux catholiques que « le Saint-Père est une autorité spirituelle, mais pas une autorité scientifique 15 ».
Le ton va être le même dans les milieux catholiques conservateurs américains, ceux-ci retrouvant les accents de leurs évêques du XIXe siècle qui relativisaient l’enseignement des papes sur la politique. « Lorsque l’Église s’essaie aux théories politiques et aux débats scientifiques, je crois qu’elle perd son influence et sa crédibilité », affirme ainsi Rick Santorum, l’ancien candidat à l’investiture républicaine. « Le pape ignore si, et dans quelle mesure, les changements climatiques des dernières décennies sont d’origine anthropique. Et Dieu n’a pas l’intention de le lui dire », ajoute Robert George, professeur de droit à Princeton et considéré comme un des plus influents penseurs catholiques américains.
En Floride, l’archevêque de Miami, Mgr Thomas Wensky, tente d’expliquer aux responsables politiques locaux les enjeux d’« un thème qui n’est ni de droite ni gauche », affirmant que Laudato si’ « est plus importante que les batailles idéologiques ». Néanmoins, alors que les républicains essaient de se remobiliser après la réélection de Barack Obama en 2012, il n’est pas question d’ouvrir une brèche dans le front conservateur et de se détacher du Tea Party, dont à peine 20 % des partisans croient que le réchauffement climatique est dû aux activités humaines (c’est à peine plus chez les catholiques républicains…).« J’espère ne pas être tancé par mon curé pour ce que je m’apprête à dire, mais ce ne sont ni mon évêque ni mon cardinal ou mon pape qui me dictent ma politique économique », lui rétorque ainsi Jeb Bush, gouverneur de Floride pour qui « la religion a pour but de faire de nous de meilleures personnes et n’a pas grand-chose à voir avec la politique ». « Les hommes ne sont pas responsables du changement climatique, contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire », appuie le sénateur Marco Rubio, qui pense lui aussi à se lancer dans la course à la primaire républicaine.