EVÊQUES – Des graines et des fruits

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Alors que va démarrer l’assemblée plénière des évêques de France à Lourdes (du 5 au 8 avril), Laura Morosini, cofondatrice du label Église verte créé en 2017, présidente des Chrétiens unis pour la terre, et responsable Europe du mouvement Laudato si’, répond aux questions de Sixtine Chartier (La Vie) sur le processus d’écologie intégrale en cours dans les diocèses.

Extraits de l’entretien qui aborde d’abord la séquence de trois années de réflexion menée par les évêques sur ces enjeux.

Je me réjouis d’abord de cette démarche novatrice. En demandant à chaque évêque de venir accompagné d’un ou deux laïcs sensibles à l’écologie intégrale, le nouveau président de la Conférence des évêques de France (CEF), Éric de Moulins-Beaufort, a bousculé les habitudes et amené un peu de jeunesse et de dynamisme. Cela a conduit les évêques à se faire entourer de personnes avec qui ils n’avaient pour la plupart pas l’habitude de partager. Une proximité s’est ainsi créée entre eux et entre les différentes personnes engagées sur les questions écologiques dans leurs diocèses respectifs. La démarche a aussi conduit de nombreux évêques à nommer des référents écologie dans leurs diocèses. Nous en comptons aujourd’hui environ 70, alors qu’avant ils n’étaient qu’une vingtaine. (…) Je salue la méthode de travail choisie : très participative. Cela signifie que les évêques ont accepté d’écouter, de travailler avec d’autres, en étant conscients qu’ils n’avaient pas la science infuse sur le sujet. C’est une démarche d’humilité, conformément à la méthode développée par le pape dans Laudato si’, à l’écoute des scientifiques. Car en général, on n’apprend pas l’écologie au séminaire et souvent les gens que fréquentent les évêques ensuite ne sont pas des gens qui vont leur apprendre des choses sur ce point. (…) Ils ont peut-être commencé un peu fort pour la séance inaugurale en 2019, en invitant notamment le collapsologue (scientifique qui théorise l’effondrement de notre civilisation industrielle, ndlr) Gauthier Chapelle. Certains évêques ont été secoués, d’autres ont confié qu’ils avaient enfin compris combien la situation était grave. Mais cela a donné lieu à un recentrage lors des sessions suivantes. Les invités étaient un peu moins forts, un peu moins pointus sur les questions écologiques. Face à cela, il faut veiller à ce que l’écologie intégrale ne soit pas une façon de tout mélanger et de ne pas parler d’écologie, contrairement à l’approche du pape François.
(…) L’approche des questions agricoles était un peu timide. Les évêques se veulent dans le dialogue, mais il me semble qu’ils ont une tendance, sur ce point, à être du côté du plus fort et dans la préservation de l’acquis. Peut-être parce que sociologiquement, le milieu des personnes qui s’engagent dans les petites exploitations en rupture avec le modèle traditionnel est perçu comme plutôt déchristianisé ? Le MRJC ne prend probablement pas toute sa place dans l’Église sur ces questions. On peut néanmoins noter des signes d’évolution positive au niveau des congrégations religieuses et de certaines paroisses qui prennent contact avec Terre de liens (une association de défense de l’agriculture biologique et paysanne, ndlr), mais cela ne se fait pas encore au niveau des diocèses.
(…) Nous allons regarder sur quoi les évêques vont s’engager. Il y a beaucoup à faire. Après avoir écouté, réfléchi, il faut qu’ils passent à l’opérationnel. Les Philippines sont à mon sens le meilleur exemple de ce qui se fait dans l’Église catholique à ce propos. En 2019, les évêques philippins ont écrit une lettre pastorale très forte avec 13 principes sur lesquels ils s’engageaient, renouvelée en janvier 2022. Il est important de regarder ce que font les autres pays du monde, en particulier les pays du sud, qui sont souvent plus audacieux car ils vivent le changement climatique. Je pense aussi à la conférence épiscopale anglaise, anglicane, qui s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 10 ans. Fixer un cap précis serait un geste prophétique. À l’échelle personnelle, ils pourraient donner une orientation éthique sur la dose d’efforts à faire pour être cohérent avec la protection du vivant. On sait par exemple que fixer un maximum de 2 tonnes de CO2 par personne par an est un objectif qui fait consensus parmi les spécialistes. Cela pourrait être un objectif proposé aux chrétiens. Les évêques de France pourraient aussi s’engager à ce que les épargnes des diocèses se désinvestissent des énergies fossiles, comme l’ont fait une petite dizaine de conférences épiscopales dans le monde, à l’image de la Belgique. (…) Il y a un vrai travail à mener sur le patrimoine de l’Église, en osant regarder en face combien on a de terrains, de bâtiments… L’Église n’est pas riche en argent mais elle a du patrimoine. Est-il bien utilisé ? Sert-il à la transition écologique, à la formation des prêtres et aux territoires dans lesquels ils sont situés ? Ou sert-il juste à nos réunions internes ? En plus de l’aspect spirituel, c’est un de signes concrets que l’Église peut donner pour aider à la transition écologique du pays. (…) 700 paroisses ont adopté le label Eglise verte en France, dont 500 catholiques, sur 14 000 paroisses françaises, dont 12 000 sont catholiques. C’est un chiffre appréciable car on sait qu’à partir de 5 % d’un ensemble, le projet se met à exister dans la tête des gens parce que les membres rayonnent sur le terrain. Une bascule peut s’opérer. La difficulté, une fois que le groupe est installé, est de passer de ce petit groupe à l’ensemble de la communauté et d’arriver à faire du transversal c’est à dire mobiliser les responsables des chants, des fleurs, du catéchisme… Alors qu’on a souvent tendance à compartimenter les activités.

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