PÂQUES 1/50 – Les trois violences

Rendons à César ce qui est à César. Je m’étonnais il y a quelques jours du silence de nos responsables chrétiens face aux évènements de Sainte-Soline. Bonne nouvelle : ça bouge ! Evêques, mouvements, associations s’expriment.

Parole d’abord à un évêque, Mgr Wintzer, l’archevêque de Poitiers et donc le local de l’étape. (Article publié dans le journal La Croix)

Sainte-Soline est dans le diocèse qui m’a été confié. Je connais des personnes qui résident sur place. Je me suis interrogé, devrais-je dire quelque chose ? Surtout quoi ? Une parole partisane ? Laquelle ? Un discours à l’eau bénite qui ne dit rien ? Je pourrais avant tout m’adresser aux familles des deux personnes qui sont très grièvement blessées, d’abord pour leur dire ma révolte, aussi ma compassion. Ceci peut leur être exprimé de ma part, comme d’ailleurs à l’ensemble des victimes. Mais qui sont-elles ces victimes ? Des groupes radicalisés ? Des forces de l’ordre ? Oui, mais aussi l’ensemble des manifestants et la cause elle-même : les images, qui font le spectacle, ne rapportent que la violence, faisant presque l’impasse sur les prises de parole, les familles, les militants, et tout ce qui s’est passé à Melle le lendemain de la manifestation.

Sur le fond, il faut bien entendu condamner toutes les violences, d’où qu’elles viennent ; la violence appelle la violence ; c’est ce cycle mortifère que dénonce Jésus en invitant à tendre la joue, non pas pour recevoir une gifle supplémentaire mais pour manifester le refus d’entrer dans un cycle sans fin.

Surtout c’est notre modèle de société qui est interrogé. Nous mesurons que nous avons fait violence à la nature ; même nos pays tempérés, qui pensaient continuer leur chemin en toute tranquillité, sont affectés et le seront de plus en plus. Cette violence faite à la nature va de pair avec une violence entre les êtres humains à travers des systèmes d’organisation pyramidaux, et l’Église catholique n’en est pas indemne, alors que le pape met en cause le cléricalisme, l’entre-soi, les discriminations entre les genres.

Des agriculteurs se sentent stigmatisés, mais beaucoup poursuivent un modèle qui a été encouragé et qui l’est encore par des directives politiques et des aides financières. Il est entendu qu’il convient de poursuivre l’aide à l’agriculture mais pour soutenir les transitions nécessaires ; les bassines, ces retenues de substitution ne vont pas dans ce sens, peut-être pas tant dans leur technicité – épuisent-elles les ressources en eau ? ceci est discuté –, que sur un système privatisant ce qui est un bien commun, avec le soutien de fonds publics. De plus, le dérèglement climatique met en cause la viabilité d’un tel choix.

Il n’y avait pas que des violences à Sainte-Soline, tant s’en faut. Il est désormais impératif que tout soit mis en œuvre pour que cela soit soutenu. Les chrétiens peuvent y prendre leur part. Sainte-Soline se trouve en pays mellois, cette terre qui connut des violences fratricides, une guerre civile : les guerres de religions. Depuis bien des années, pour les chrétiens, réformés, catholiques, le mellois est une terre de dialogue, de rencontres, de prières partagées, au service d’un territoire dont la mémoire même des paysages, des monuments porte les traces des violences d’hier. Tout doit être entrepris pour que notre siècle n’entretienne pas de nouvelles guerres civiles.

Un peu plus tard, c’est le mouvement des Chrétiens en monde rural qui a partagé ses réflexions. Voici leur communiqué

Devant les événements qui se sont produits à Sainte-Soline, le 25 mars dernier, le mouvement Chrétiens dans le Monde Rural (CMR) se sent concerné. Nous voulons affirmer notre opposition à toute forme de violence et nous souhaitons rappeler notre attachement à la destination universelle des biens communs de l’humanité que sont : l’eau, la terre, la biodiversité, le vivant.

1) En CMR, nous réaffirmons notre opposition à toute forme de violence

La violence qui détourne la manifestation de son objectif ou qui fait peur au point de ne plus oser rejoindre les lieux de rassemblements. La violence provoquée par l’exercice du pouvoir, ses méthodes, son acharnement à vouloir passer en force au service de l’intérêt de quelques-uns. La violence par le déploiement de tant de moyens, le 25 mars (plus de 3000 CRS, 4000 grenades, hélicoptères, drones, brigades motorisées à quad…).Tout ceci provoque notre indignation. Sur cette question, nous rejoignons et adhérons aux propos de Don Helder Camara dans son analyse sur la violence.

« Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’Hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première. La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres. Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. » (Don Helder Camara)

2) Face à la crise climatique que nous traversons, nous devons préserver et partager nos ressources en eau

• « L’eau ne doit ni être gaspillée ni utilisée à mauvais escient, ni être raison de guerres, mais doit être préservée pour nous et les générations futures » (Pape François – 22 mars 2023)

• Précisément pour cela, prendre soin des sources et des bassins hydriques est un impératif urgent.

Aujourd’hui, plus que jamais, il faut un regard qui aille au-delà de l’immédiat, au-delà du critère utilitariste d’efficacité et de productivité pour le bénéfice individuel. Toute privatisation du bien naturel de l’eau au détriment du droit humain de pouvoir y avoir accès est inacceptable ». (Pape François – Sept 2018)Le CMR est très proche du monde agricole et de ses acteurs. Nous reconnaissons que l’eau est indispensable en agriculture : bien sûr, c’est une évidence, mais pour quelle agriculture, quelles productions ? Quel modèle agricole préservera au mieux la ressource ? Là encore, l’équipe CMR peut être un lieu propice pour vivre ces débats, passionnés, mais dans le discernement : « En tant que chrétiens et chrétiennes, que nous disent la Bible et la Pensée sociale de l’Eglise ? Que nous dit le Pape François dans Laudato Si et Fratelli Tutti ? » Il est urgent de nous questionner : Quelle planète, quelle terre allons-nous laisser à nos enfants et nos petits enfants ? « Tous frères et sœurs, c’est ensemble que nous avons à pèleriner sur cette terre » (Fratelli Tutti).

Margot Chevalier, Jean Luc Bausson, Co Présidents

Et puis, contre point total, un article écrit en dehors de la sphère chrétienne, mais qui rebondit sur la symbolique de la sainte Soline en question. Tiré d’un blog, Terrestre, qui recense des reflexions écologiques plutôt politiques et engagées. Extraits :

Un article lapidaire de Wikipédia prétend qu’il “n’existe aucune information précise ou fiable sur la vie de Sainte Soline.” Mais si notre sombre époque croule sous les “informations”, elle manque en revanche cruellement de légendes. Et paradoxalement, à mesure que s’entassent les rapports du GIEC, les informations scientifiques rejoignent de manière inattendue la prose religieuse. Elles sont annonciatrices d’un avenir qui ressemble à s’y méprendre aux Septs Plaies d’Égypte, au Déluge, à l’Apocalypse selon Saint Jean, ou encore aux sourates coraniques de la Secousse, de la Déchirure et du Ciel fendu.

E&E : intéressante comment le monde critique de l’écologie en arrive à faire rejoindre le monde cartésien de la science expérimentale et officielle et celui de la « légende » qui, selon, les auteurs est celui du fait religieux et de ses discours. Evidemment pour ne pas être soupçonné de parti pris catholique, on contre-balance immédiatement une sourate du Coran. La laïcité à la française sans doute ?

Si nous ne sommes pas de ceux qui croient que la vérité du monde réside dans un texte unique, révélé pour des siècles et des siècles ; nous ne sommes pas pour autant insensibles aux signes mystiques, aux intuitions et aux puissances magiques. Nous savons la force extraordinaire des légendes, des mythes et des prophéties. L’Esprit et la détermination qui nous animent n’ont rien d’étranger à la foi.

Bigre ! Pas de révélation biblique donc mais une croyance aux forces de l’Esprit ! On dirait du François Mitterand dans le texte. La suite du texte évoque un texte racontant la vie de sainte Soline, sans que personne ne puisse en cite les sources historiques. On sait que beaucoup de ces hagiographies reposent sur un style littéraire engagé qui aime souvent remplir les blancs…

Et le texte de finir sur une analyse un peu plus technique avec des éléments peu relayés jusque là

Jeudi 2 mars 2023, vers midi, les sapeurs-pompiers sont intervenus rue de Verdun après l’apparition soudaine de fissures sur le bâtiment qui abrite les bureaux de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres et de Charente-Maritime et de la Cuma des Deux-Sèvres. Il s’agit (divin hasard !) de deux acteurs majeurs du projet de mégabassines dans le département. Une dizaine de salariés travaillaient à l’intérieur au moment des faits. « On a entendu un gros clac et le carrelage s’est soulevé au niveau de l’accueil. On a immédiatement évacué le bâtiment ». Les pompiers ont constaté le surgissement de trous et des fissures. Il n’y a eu aucun blessé. Le bâtiment a été évacué. Le maire a pris un arrêté de péril et prononcé sa fermeture administrative. Il est inaccessible jusqu’à nouvel ordre. Les gendarmes de Parthenay, présents sur site, se sont retrouvés, une fois de plus, impuissants face à ce nouveau soulèvement de la terre, au sens littéral.


Depuis une quinzaine de jours maintenant, le petit monde des irrigants de la commune de Sainte Soline bruisse d’une rumeur angoissée. Au café, dans les couloirs de la Cuma, sous les silos d’Ocealia et dans les réunions de la Coop de l’eau, l’inquiétude et l’anxiété suintent de toutes parts. Les fuites partout se propagent. Les travaux sont interrompus. La cause première est l’action résolue des opposants. Le cratère est désormais creusé. Il est cerné de digues en terres, de barrières et de grillages consolidés. Le calendrier initial est mis à mal par la détermination des opposants.


En effet, il serait absolument imprudent de bâcher la méga-bassine maintenant. Le risque est trop important qu’elle soit rapidement détruite, pendant, avant ou après la manif du 25 mars. La phase entre le bâchage et le remplissage constituera le moment de vulnérabilité maximale de l’édifice. Un coup de cutter où une petite flamme suffiraient alors à neutraliser le chantier et leur faire perdre des sommes astronomiques.


Mais en plus de notre résistance farouche, une autre menace plane au-dessus du chantier. Une menace bien plus mystérieuse et profonde. “Une contrainte technique” qui inquiète au plus haut point la Coop de l’eau. Un lac s’est formé dans la mégabassine. Mais ne croyez pas – comme cet imbécile heureux de Marc Fesnau ! – que cette apparition serait un effet fond de cuve lié au retour de la pluie. C’est encore une fois aux forces telluriques que l’on doit cet étrange phénomène. Il s’agirait bien plutôt d’une remontée de nappe. Normalement les concepteurs ont anticipé un tel phénomène en prévoyant de laisser au fond de la bassine un seuil minimal en guise de lestage, pour empêcher que la nappe phréatique ne perce la bâche et ne ruine l’édifice. Mais si les concepteurs ont sous-estimé la puissance et le débit de cette poussée, alors la bassine de Sainte Soline est un édifice mort-né !

De plus, l’absence d’études hydro-géologiques préalables sur la nature des sols sous la méga-bassine laisse planer un autre risque tellurique, et non des moindres. Les concepteurs se sont affranchis des obligations préconisées par la loi sur l’eau. Ils se sont dispensés de faire réaliser un diagnostic par des géologues professionnels. Ils n’ont fait ni tests hydrauliques de forage, ni sondages carottés, ni descriptions lithologiques des affleurements ou autres études structurales. Pour le dire simplement, ils ignorent tout de la nature et de la texture du sous-sol de la bassine et construisent à l’aveugle. Or sous le calme apparent des plaines de Sainte Soline, le sous-sol est jalonné de gouffres et traversé de failles. Ainsi, au risque de poussée de nappe, vient donc s’ajouter celui d’un possible effondrement de l’édifice sur lui-même.

Les maîtres d’œuvre des méga-bassines ont déjà fait preuve de cette négligence coupable par le passé. C’était à Vivonne, au début des années 2000. Le fond de la bassine n’était en réalité que le mince plafond d’une rivière souterraine. La bassine une fois remplie s’était littéralement effondrée sur elle-même. La puissance des eaux et de la terre avaient balayé l’édifice, répandant des lambeaux de bâches à des kilomètres à la ronde. La chambre d’agriculture commanditaire des travaux avait fait faillite, licencié une dizaine de salariés, pour être finalement placée sous tutelle. Aujourd’hui, le sol se soulève et se dérobe sous la chambre d’agriculture du 79. Les irrigants cauchemardent du fiasco de Vivonne. Le 25 mars prochain, nous porterons un nouveau coup de butoir contre ce projet absurde. Ô Sainte Soline, puisses-tu accompagner notre effort, soulever la terre pour leur porter le coup de grâce !

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